Imaginez des chaînes humaines transbahutant le matériel déchargé des remorques de tracteurs remplis à ras bord en une dizaine de minutes. Imaginez des gens affairés partout, à tel point que ceux qui n’avaient pas encore eu accès au site de réoccupation se retrouvaient désœuvrés, voire virés par la BAC (brigade activiste de clowns) pour ne pas gêner les travaux (de fait c’était eux qui gênaient par moment... ah les clowns, ces improductifs). Imaginez des habitations construites en deux trois jours, mais dont les résultats visibles se firent en quelques heures (panneaux pré-assemblés depuis plusieurs mois). Imaginez une grande manif de 5 km de long. Imaginez que quand nous sommes arrivés sur le lieu final ou devait se faire la réoccupation, la fin du cortège n’était pas encore partie. Imaginez que vous ne savez plus où vous êtes, que vous avez l’impression d’être dans un festival, qu’il ya des gens gais partout, de la musique, des statues slogan et des panneaux slogan dont des très bons, (genre "les avions volent... la terre" "Vinci, baisses ta culotte, c’est nous qu’on pilote" "There is no PLANet B".... (cf photos)) et que malgré tout le but commun c’est d’occuper le terrain et de construire des lieux d’occupation, mais en même temps on a envie d’aller voir partout ce que cette énergie collective est en train de mettre sur pied.
Tous ensemble pour une même cause ...
Et tout ça dans la joie collective, d’autant plus que la conscience de l’efficacité de la mutualisation de nos moyens et nos actions, même modestes, épatait tous ceux qui étaient au tour de moi et nous donnaient le sourire.
Il y a tant de luttes qui se vivent dans la confrontation que construire quelque chose est alors difficile, c’est d’abord un acte de résistance. On annonce ici et là des agriculteurs d’un côté, légitimes dans leur droit de manifester, des anarcho-autonomes de l’autre qui ne sont juste là que pour faire chier et comploter en secret comme tout bon ennemi intérieur ("Les squats des maisons à Notre Dame des Landes ne servent pas la lutte des vrais opposants au projet d’aéroport que sont les agriculteurs, la population et les politiques" françois de Rugy, EELV---- Ou encore Valls à la rénion des 190 pays d’interpol qui préconise davantage de coopération face "aux formes de violence provenant de l’ultra-gauche, de mouvements d’anarchistes ou d’autonomes", en citant "des groupes violents" gravitant autour de projets comme la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin ou l’aéroport de Notre Dame des Landes en France.)
Ce qu’on peut constater d’abord c’est que cette opposition "squatteurs" contre habitants/agriculteurs (politiques ça reste à voir, faut dire, ils ne supportent pas trop les retournements de veste et effets de manche) n’est pas manifeste voire peu partagée, si ce n’est rejetée par les uns et les autres, qui revendiquent cette solidarité. D’une part parce que ces fameux squatteurs sont des gens d’origine diverse (éco warriors, autonomes, écolo classiques, etc, bref ça rentre pas très bien dans les cases, c’est avant tout des citoyens concernés voire l’artice de hervé Kempf ) qui ont un but commun, protéger cette zone, et qui pour une part mettent à profit cette zone vierge pour y cultiver de l’utile (genre carottes et tomates). D’autre part parceque les agri et la population "originelle" se sont rendus compte au fur et à mesure que cette diversité squattant le bocage a une capacité d’organisation impressionnante, une détermination qui l’est tout autant, et une volonté de faire de l’activisme sans faire de vagues (médiatiques- cf Bové, Joly et Mélenchon ce week end) ; d’où une organisation horizontale de la lutte ; c’est sûr qu’il y a de quoi inquiéter les partis et autres organismes où la verticalité de l’organisation confisque efficacement et sûrement le pouvoir. Vous trouverez sans doute des autochtones méfiants à l’encontre des "squatteurs" (désolé, dur de trouver d’autres mots que ceux de la vulgate du pouvoir), et inversement. Mais une chose est sûre, ils arrivent malgré tout à construire ensemble, à lutter ensemble (d’ailleurs des tracteurs sont disposés devant le Rosier, un des lieux de lutte menacé d’expulsion), et de part et d’autre, certains affirment s’être enrichis au contact des autres et dans la lutte commune.
C’est dur de ne pas faire dans l’angélisme après un week-end comme celui-ci, et faut pas se mentir, nous on n’a vu que le moment facile : un week-end sans képis, faut dire que ce gouvernement qui cède dès la moindre protestation de patrons autoproclamés "pigeons" (quelle indécence !) avait pour le coup pris la précaution de ne pas mettre le feu aux poudres (parce que entre 30 et 40000 personnes (5 km de cortège !) dans la gueule des flics avec des tracteurs montés par des agri énervés, ça n’aurait pas été bon).
Quel avenir après cette mobilisation ?
Mais cette semaine, et les suivantes, qu’en sera t il ? Quand ils ont expulsé les gens de la ZAD, ils ont mis trois semaines, grâce à la résistance et l’opiniâtreté des opposants. Alors on va pas vous dire qu’ils les ont empêché durant tout ce temps de raser la forêt de Rohanne en leur offrant des guimauves. De la violence forcément il y en a eu. Quand l’appareil étatique sert dans toute sa puissance à écraser toute contestation à un cadeau énorme fait à une entreprise privée dont les seuls bénéfices iront dans les poches des actionnaires de Vinci (qu’il restera quelques miettes pour "l’emploi" alors qu’on aura de l’autre côté privé de leurs moyens de production des agriculteurs... et des squatteurs qui produisent eux aussi), où est la violence ?
Et dans tout ça, la transparence des informations ...
Ces derniers jours j’ai entendu à la radio (France Inter pour ne pas la citer) que des manifestations violentes avaient eu lieu en Espagne et en Grêce. Ce qui est marrant dans ces présentations, c’est que la répression n’est jamais violente et toujours présentée comme légitime. Et plonger un pays dans l’austérité ce n’est pas violent ? Sacrifier les hôpitaux ? Faire disparaître 2000 ha de terres pour engraisser une entreprise ?
Et pour en revenir à la violence visible, on a pu observer à Notre Dames des Landes l’utilisation de flashball ainsi que la répétition de tirs tendus de grenades lacrymogènes (illégal car potentiellement mortel).
Encore les manifestants de NDL avaient ils la "chance" d’être sur une bataille médiatique, car dans le même temps, à Montabot (50) lors d’un rassemblement d’opposants à la ligne THT, la répression a été d’une violence inouïe.
Alors certes nous sommes un pays civilisé et démocratique, ce qui se traduit concrètement par le fait qu’on n’utilise que des armes dites "non-létales" : grenades assourdissantes (dont les débris de plastique chauds peuvent rentrer dans le corps), matraquage systématique, gaz lacrymo d’intensité plus ou moins variables (dont certains utilisés lors des grand rendez vous de contestation sont suspectés de dangerosité).
Ça a donné à Montabot officiellement 2 blessés chez les manifestants et deux chez les flics. Mais dans les faits rapportés de l’intérieur de la manif, beaucoup de blessés ont été évacués par les propres moyens des manifestants tandis que les pompiers ont eu l’accès gêné par les gendarmes, qui sont même allé jusqu’à réquisitionner un camion pour évacuer un policier qui au final a eu quelques jours d’arrêt de travail (pour ceux qui connaissent pas , c’est un grand classique, y’a toujours des blessés chez les flics quand y’en a chez les manifestants, c’est invérifiable). Quand à la préfecture elle a cherché à faire pression sur les hôpitaux d’avranches et Saint Lô pur connaître les blessés ( apriori Avranches donné des noms !). Bref le lien (sidérant) que j’ai mis du staff médical est un aperçu de ce qui peut se passer quand l’État décide d’intimider les manifestants (et ça c’est avant les actions de justice).
Je m’écarte du sujet mais pas tant que ça puisque ça concerne la violence, qui contraste nettement avec ce que l’on a connu ce week-end et qui risque de se reproduire quand toutes les caméras se seront retournés vers les faits divers et les plaintes si touchantes d’un patronat sans honte, mais pas sans ingéniosité.
Mais une lutte de cette ampleur c’est ça aussi ; des moments de grâce et un élan de solidarité énorme, qui j’espère aura au moins eu le mérite de réconforter ceux qui doivent se sentir parfois si seuls dans la lutte. Des moments de stress aussi, à savoir craindre de se faire cueillir au petit matin par des flics dont on ne sait pas à l’avance s’ils auront carte libre pour "appliquer le droit", aussi illégitime soit il.
Et pour finir les "quelques mots" (désolé, mais de toute façon vous n’êtes peut être pas arrivé au bout du message) annoncés je mets ici des liens qui rendent bien compte de ce que j’ai vécu.
Reno, qui n’a pas été dérangé par la boîte d’intérim le temps d’écrire ce message.
Merci à eux.
Du samedi 28 décembre au dimanche 5 janvier : à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, 9 jours de clown activisme, ateliers multiples, déjà plus de 10 clowns prévus en co-animation…
Le programme se décidera en grande partie chaque jour en fonction des clowns… Du clown bien sûr, mais aussi couture, costumes, lectures, écritures, auto réduc, plus d’infos sur http://zad.nadir.org et http://devenezvousmeme.zici.fr, le site de recrutement de l’artnez des clowns…
Inscriptions et questions : homopolitikuss (a) gmail.com Devenez pro fêtes !!!!!