Le nombre d’associés sur une ferme : un casse-tête juridique
Notre combat aujourd’hui met en jeu le nombre d’associés sur la ferme, au-delà du nombre de personnes y travaillant et y vivant, ainsi que le nombre d’hectares utilisés. Pour être reconnu(e) exploitant(e) agricole, il faut en effet justifier d’un nombre d’hectares « suffisant » par rapport au nombre d’associé(e)s de l’entreprise. Il est ainsi estimé qu’en produisant des légumes, il faut avoir telle surface pour pouvoir « vivre décemment ». Pour les céréales, ce sera telle autre. Et pour le lait encore autre chose. Peu importe que l’on valorise le litre de lait à 0,40 € (circuit long) ou 1,20 € (vente directe) ! Et pour simplifier le tout, cela varie d’un département à l’autre.
Avec les productions qui sont les nôtres, et en étant installés dans l’Orne, nous sommes limités à 3 associés pour nos 45 hectares. Avant que les seuils ne soient réévalués en 2008, nous pouvions encore être 4 associés ! Pourquoi ? C’est comme ça.
Or notre démarche est notamment d’encourager la présence d’un maximum de personnes sur une ferme comme la nôtre. Et cela d’autant plus que le monde paysan se meurt : 1/4 de paysans en moins ces dix dernières années ! Avec des difficultés de plus en plus reconnues pour s’installer.
Aujourd’hui, notre Mutualité Sociale Agricole estime que l’un d’entre nous a bénéficié d’un emploi déguisé et réclame la totalité des charges sociales non perçues sur 2 années pleines (15 000 €) [1] !
Nous sommes bien conscients que notre situation était précaire, et ne demandions pas mieux que de rentrer dans un cadre légal. Preuve en est l’ensemble des démarches que nous avons effectuées pour trouver un cadre adapté à notre façon d’entreprendre collectivement. Sans succès, malheureusement.
Le cadre juridique est un vrai casse-tête pour beaucoup d’entre nous, et pas seulement pour les collectifs agricoles : aussi pour ceux qui souhaitent s’installer progressivement, avec ou sans aides, pour d’autres qui veulent s’essayer aux métiers de l’agriculture afin de confronter leurs rêves avant de se former vraiment.
C’est pour cette raison que nous faisons le choix de lutter, au-delà de notre propre litige, pour faire avancer les choses et élargir le champs des possibles dans le domaine agricole. Au-delà de notre propre exemple, nous estimons en effet que l’administration (MSA, Pôle Emploi, notamment) ne fait pas preuve de bonne volonté pour prendre en compte les nouvelles réalités de l’installation agricole. Notre monde est en mutation, mais eux ne bougent pas !
Reconstruire le monde paysan
Parmi les jeunes installés en agriculture, de plus en plus ne sont pas issus du monde agricole et/ou sont en reconversion professionnelle. Les enjeux que nous soulevons aujourd’hui questionnent notre capacité à faire évoluer le système et à l’amener à considérer les nouvelles façon d’exercer le métier de paysan. Pour reconstruire le monde paysan, il nous faut être créatifs !
D’ailleurs, les choses évoluent. La loi d’orientation agricole 2014 nous donne même raison : avec elle, nous aurions pu faire valoir notre temps de travail relatif à la transformation de nos produits (farine, pain, produits laitiers) pour justifier d’un nombre plus important d’associés au sein de notre GAEC !
Mais notre expérience pose aussi la question de l’installation agricole sur des fermes encore considérées comme « atypiques ». Il nous semble donc important de tenter de faire bouger davantage les choses à partir de notre cas. C’est pour cela que nous vous sollicitons aujourd’hui pour témoigner.
Si vous avez les mêmes questionnements que nous, concernant l’installation agricole progressive et/ou collective,Si vous vous sentez concernés par les enjeux cités,Si vous souhaitez soutenir notre démarche d’accueil et d’installation progressive,Si vous estimez qu’une entreprise comme la notre est importante socialement, économiquement, écologiquement sur notre territoire,Si vous souhaitez que l’administration permette davantage à chacun de cheminer vers son avenir,Si votre passage à la Bourdinière a marqué votre parcours par ce qu’il s’y vit d’innovant et rare dans le paysage agricole contemporain, merci de nous le témoigner par un mail ou un courrier.Et de faire tourner cet appel, bien sûr !
Nous joindrons toute forme de soutien écrit à notre dossier de défense auprès de la commission de recours de la MSA, afin de leur montrer que notre cas n’est pas isolé et que c’est une question de fond qui se pose aujourd’hui à eux.
Par ailleurs, un soutien politique est aussi en train de se mettre en place pour mettre tous les acteurs concernés autour d’une table, afin que les choses changent. Une chance à saisir pour tous et pour les structures à venir !