Notes de Hervé Ott et Jorge Ochoa
L’article contient déjà, dans sa version publiée dans la revue, des notes assez nombreuses. En voici d’autres et certaines dans une version plus développée. Elles ne prennent véritablement leur sens qu’au regard de l’article Tribulations des Utopies Collectives publié dans la revue Passerelle Éco 78.

Comment ça, violence ? Les collectifs alternatifs, pourtant portés par des visions généreuses, ne seraient pas exempts de violences relationnelles ? Dans les écolieux de vie aussi ? Mettre le respect (...)
– Beaucoup d’outils de communication non violente, de gouvernance (élections sans candidat, prise de décision par consentement etc), de définition de projet (Chartes, Raison d’être évolutive) ont été élaborés pour permettre des fonctionnements collectifs moins hiérarchisées .
Voir la page La REE : Raison d’Être Évolutive sur le wiki de Reinventing Organisations.
– Il y a bcp de confusions sur le thème des valeurs avec ce qu’on appelle des « vertus » comme le courage, la patience, la tolérance, avec des structures comme le travail et la famille, ou des moyens, des outils (la gouvernance partagée, la décision par consentement) qui permettent de fonctionner dans un sens inspiré par les valeurs de solidarité, fraternité p. ex.). Ainsi la non-violence, la communication non-violente, l’écologie, la gouvernance partagée ne sont pas des valeurs : ce sont des modalités d’action ou d’organisation qui s’inspirent de valeurs et qui sont chargées fortement d’idéalisme.
Voir : H. Ott, « Vous avez dit Valeurs ? » sur le site de l’IECCC.
– Sont retenus comme « besoins fondamentaux universels de la personne » l’amour, la reconnaissance, la sûreté / l’orientation, l’autonomie et le sens/ la spiritualité. Frustrés ces besoins se manifestent respectivement sous formes de peurs d’abandon-trahison-rejet, le dévalorisation-jugement, d’agression-envahissement / perte de repère, de contrôle et perte de contrôle, d’aliénation.
Voir plus bas le livre Pédagogie des rencontres et des conflits transculturels, p. 59 ss.
– Que ce soit dans ce processus de dénonciation des incohérence des autres à partir de ses propres critères de cohérence ou plus généralement dans la formulation de jugements sur les autres, est à l’œuvre un mécanisme qu’on appelle « projection » et qui peut être conçu comme la première forme de « violence » sur autrui
Voir le PDF Percevoir ou juger : quels enjeux ? sur le site de l’IECCC.
– Les émotions, comme une énergie corporelle, jouent un rôle protecteur face à des mises en danger notamment : la colère permet de défendre son territoire ou la justice, la peur de se protéger d’un danger, le dégoût d’un empoisonnement, la honte d’une indignité, la tristesse de traverser un deuil ou un échec. Seule la joie permet d’exprimer une satisfaction.
Voir le PDF Reconnaître les émotions sur le site de l’IECCC.
– Du coup, je vais rendre l’événement ou la personne coupables de ma réaction émotionnelle, alors que la cause profonde de cette manifestation émotionnelle est une blessure que je porte inconsciemment et qui est brusquement réveillée. Cette blessure révèle ou confirme une des frustrations liées aux besoins fondamentaux de la personne, comme une trahison, un abandon, une dévalorisation, une agression physique, un envahissement, une perte de sens etc.
– Dans notre Institut avons créé un outil, PISTES, pour transformer toute expression émotionnelle de la souffrance en intention d’une relation plus équilibrée. La diminution de la violence passe par un rééquilibrage entre le rôle d’agresseur.e (intention de faire sans l’autre) et celui de victime (perception de la souffrance subie sans projection en travaillant sur son intention à l‘égard de l’agresseur.e) pour retrouver un rôle de garant de soi ou de l’ordre qu’on est sensé protéger en tant que responsable. L’acquisition de cet outil fait partie de la formation professionnalisante du premier niveau.
– Stanislav Grof a mené plus de 3000 thérapies avec du LSD, lorsque c’était encore possible. Il a pu établir que la source profonde de la souffrance humaine est liée à sa naissance, à ce que le bébé a perçu depuis le ventre maternel en terme d’amour ou de rejet, et à ce qu’il a perçu comme souffrance inimaginable pour nous lors des contractions et du processus d’expulsion pour naître : cette souffrance reste totalement inconsciente et marque chaque individu à vie
Voir le livre Psychologie transpersonnelle, Une approche globale et spirituelle pour épanouir sa conscience aux éditions J’ai lu 1984.
– Mimétisme et processus d’exclusion : Une des sources cachée de la violence collective est à chercher dans ce que René Girard a nommé le désir mimétique.
Voir le livre René Girard, de Christine Orsini, aux Éditions Que sais-je ?
– En collectif, ce mécanisme de mimétisme associé à des jugements va créer des tensions masquées et lorsqu’elles atteignent un certain niveau d’intensité émotionnelle et de crise collective, vont conduire le groupe à trouver un « bouc émissaire » à exclure pour refaire une unité illusoire
Voir le livre Le bouc émissaire de René Girard, chez Le livre de poche
– Ce sont souvent les personnes qui clament leur désintérêt pour le pouvoir (comme "pouvoir sur") qui en réalité refusent toute limitation à leur propre comportement par peur d’en « perdre le contrôle ».
Voir plus bas le livre Pédagogie des rencontres et des conflits transculturels en page 59 ss
– J’appelle « rôles informels » les façons d’agir dans un groupe par un individu, manipulé par ses propres peurs : le clown, le leader, le bouc émissaire, le sauveur, la victime, l’agresseur etc. Ces rôles sont porteurs d’une très grande énergie mise au service de besoins inconscients du groupe (détente, orientation, confiance, régulation etc).
Voir le PDF Rôles et responsabilités sur le site de l’IECCC.
Livre « Pédagogie des rencontres et des conflits transculturels » de H.Ott et K.-H. Bittl
Ce livre aborde les différentes dimensions des conflits : personne, culture et structure, et propose des exercices et des jeux pour travailler sur ces dimensions.
Cet ouvrage insiste sur le fait que chaque conflit implique la responsabilité de tous les protagonistes, qu’il est illusoire de chercher à départager strictement les coupables et les victimes (sauf du point de vue de la loi) et que chacun/e peut identifier sa part de responsabilité dans ce qui se joue de conflictuel. Que la violence, c’est la manifestation de ce qui reste caché et tu chez les individus, à l’intérieur des groupes ou institutions et dans la dimension culturelle.
Transformer le conflit revient donc à aider à mettre en mots, à exprimer ce qui est caché, pour parvenir à une négociation, une coopération ou une séparation, avec et par-delà les différences. Il y a des paroles qui « tuent » quand on parle sur l’autre mais tout se transforme quand on parle de soi (affects, besoins, désirs) à l’autre, aux autres. Il y a aussi des processus de groupe difficiles à décrypter (pouvoir, exclusion, violence culturelle/ idéologique) qui engendrent une violence cachée.
Enfin, il montre qu’il faut adapter les outils de transformations aux situations et les combiner : la seule communication « non-violente » ne suffit pas dans les conflits de groupes, une bonne « organisation » collective risque de provoquer des conflits interculturels et même la mise en œuvre de valeurs communes - parce qu’universelles - dans les relations et les groupes peut aussi créer des tensions. En interrogeant toutes ces dimensions, ce livre donne à chacun les moyens de sortir de l’impuissance et de retrouver une puissance d’agir dans les situations qui semblent bloquées.
Ce livre est présenté plus en détail par l’auteur sur le site de l’IECCC et peut être acheté sur le site de l’éditeur Chroniques Sociales.
Les auteurs
Jorge Ochoa, mexicain de naissance, arrivé en France pour vivre une expérience communautaire à l’Arche de St Antoine où il a vécu 20 ans. Formé à l’ATCC en 2010-2011 il exerce depuis comme formateur / consultant. Au sein de l’Arche de St Antoine Il a participé à la fondation de la FEVE (Formation et Expérimentation au Vivre Ensemble) et il a été le coordinateur de la formation les premières années. Il s’est spécialisé dans les interventions et l’accompagnement des projets d’habitat collectif, coopératif e Chronique sociale, 2014 p. t communautaire, particulièrement dans les aspects de travail relationnel, gouvernance, dynamique de groupe et transformation de conflits. Actuellement il développe un approche sur l’intégration des polarités. Contactez Jorge Ochoa
Hervé Ott, 25 ans de vie et démarche communautaire, au Cun du Larzac, projet centré sur l’écologie, la non-violence et la solidarité, qui a cessé ses activités pour cause de faillite financière et épuisement de l’équipe permanente. Il a créé par la suite un organisme de formation professionnelle (IECCC) pour développer une « Approche et transformation constructives des conflits (ATCC).
Il a co-rédigé le manuel de Pédagogie des rencontres et des conflits transculturels (Chronique sociale, 2014), présenté plus haut.
L’IECCC s’est transformé en ATCC-Institut (www.atcc-institut.fr) et développe de la formation de formateurs et d’accompagnants d’équipe et répond à des demandes d’interventions au sein d’institutions et de collectivités.
L’illustration en haut est de Céline Molina.