Éviter de nouvelles émeutes de la faim
En l’absence d’une gouvernance mondiale de l’agriculture, la compétition commerciale déloyale entre les paysanneries du monde ne favorise pas la lutte contre les inégalités, le recul de la pauvreté et la protection des ressources naturelles. Les « émeutes de la faim » dans les capitales de nombreux pays du Sud en 2007/2008 ont remis au jour un problème ancien et qui va en s’aggravant : plus d’un milliard de personnes dans le monde souffrent de la faim, plus du double souffrent de malnutrition chronique. Ces graves événements ont suscité des débats au plus haut niveau sur le problème de l’accès à l’alimentation, à la terre et aux ressources naturelles.
Afin de remédier aux échanges inégaux et inéquitables, l’UE doit rechercher les moyens de permettre aux pays en développement d’approvisionner leur marché intérieur avec des politiques agricoles et commerciales leur garantissant une souveraineté alimentaire. L’avenir de l’agriculture européenne sur les marchés mondiaux passe par une priorité donnée aux produits de qualité à haute valeur ajoutée (ceux dont les caractéristiques sont liées aux traditions, aux savoir-faire et aux territoires), et non par des produits qui ne sont exportables qu’avec des subventions, voire du dumping caractérisé.
Intégrer des Politiques Agricoles spécifiques à l’OMC
Afin de combler le fossé de productivité entre les différentes agricultures du monde, il est indispensable que les négociations en cours au sein de l’OMC intègrent le principe de politiques agricoles spécifiques par grandes régions du monde, comme l’Europe l’a fait avec la PAC. Ceci assurerait aux agriculteurs des pays en développement une protection vis-à-vis des importations agricoles des pays tiers, ce qui leur permettrait d’obtenir une juste rémunération de leurs produits sur les marchés intérieurs. La reconnaissance du droit à la souveraineté alimentaire représente un enjeu majeur. Il suppose d’interdire toute mesure préjudiciable au développement agricole des pays du Sud, indispensable à leur sécurité alimentaire.
Par ailleurs, l’élevage et l’alimentation européens demeurent encore très dépendants de matières premières agricoles importées de l’hémisphère sud (oléagineux, tourteaux...) et dont les conditions de production, aux impacts écologiques, sociaux et climatiques lourds, sont en grande part de la responsabilité de l’Union européenne et des acteurs économiques européens. Il revient donc aux décideurs européens de prendre des initiatives ambitieuses dans le cadre de la PAC qui n’hypothèquent pas les chances de développement des agricultures familiales du Sud et qui contribuent à reconquérir l’autosuffisance protéique de l’Union européenne. [1]
La PAC a eu des impacts négatifs sur les paysans des pays en développement qui ont été ruinés par son dumping sur les prix des produits alimentaires sur le marché mondial. Cependant, le principe même de mise en place d’une politique agricole à l’échelle sous-régionale, comme cela a été fait avec la PAC pour l’Europe, reste une expérience utile à d’autres régions du monde.
Leviers pour une régulation agricole mondiale
– supprimer toutes les formes de subvention à l’exportation qui contribuent à accroître la faim et la pauvreté dans les pays en développement ;
– favoriser l’autonomie de l’UE en protéines végétales, pour ne pas encourager les vastes monocultures d’exportation, facteur d’éviction et de fragilisation des agricultures familiales et vivrières ;
– utiliser l’aide au développement pour diminuer la dépendance des agriculteurs à l’égard des intrants d’origine fossile (engrais, pesticides...), et favoriser les systèmes agricoles les plus résilients face aux aléas climatiques pour constituer des réserves alimentaires dans les pays en développement ;
– appuyer les petits agriculteurs et reconnaître le rôle clé de l’agriculture familiale dans la mise en place de systèmes de production qui assurent simultanément la sécurité alimentaire, préservent les ressources naturelles, procurent des sources de revenus, et luttent contre le changement climatique [2] ;
– instaurer, dans l’objectif d’éliminer la faim et la pauvreté, une gouvernance mondiale de l’alimentation qui reconnaisse le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes comme principe structurant, et permette aux Etats et aux groupes d’Etats d’élaborer leurs propres politiques agricoles et alimentaires ;
– associer tous les acteurs concernés et notamment la société civile à la définition des termes de référence, au suivi et à l’analyse de l’étude d’impact sur le développement qui sera réalisé sur le projet de réforme de la PAC post-2013.