Culture des sapins de Noel
Sur les 5,5 millions de sapins commercialisés chaque année en France, 1,2 à 1,3 million sont issus du Morvan.
Sur certaines publicités pour les Sapins de Noël du Morvan, il est indiqué que le producteur a choisi de limiter l’utilisation d’engrais lors de la culture de sapins. Cela signifie, comme pour l’agriculture ’raisonnée’, qu’il n’utilise pas plus de produits chimiques qu’il n’est recommandé par le fabricant de l’engrais... c’est à dire beaucoup trop pour l’environnement !!
Pourtant, la culture du sapin de Noêl à des conséquences assez néfastes pour l’environnement, par exemple sur les sources. Les sapins sont traités et les eaux de ruissellement entraînent les produits phytosanitaires vers les sources et les ruisseaux. Le sapin de Noêl est donc un problème lorsqu’il est traité, au même titre qu’une plantation de maïs.
Les produits phytosanitaires et les engrais ne sont pas les seuls incriminés : il y a aussi les régulateurs de cvroissance, qui assurent au sapin la forme conique typique attendue et une densité de branchage optimale pour y accrocher guirlandes et boules de Noel.
Et ces produits ont des tendances cancérigènes ! Le Parc du Morvan, pourtant grand promoteur du sapin, nous apprends ainsi que [1]) :
Afin d’obtenir une croissance apicale contrôlée des arbres de Noël, des régulateurs de croissance chimique sont parfois appliqués en plus des engrais et pesticides divers. Il s’agit la plupart du temps de molécules inhibant la synthèse des gibbérellines, ces hormones végétales favorisant l’élongation cellulaire.
Toutefois ces produits ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes : du point de vue toxicologique, le daminozide est suspecté de cancérogenèse.
Enfin sur le plan environnemental, si ces molécules sont relativement peu toxiques pour la faune aquatique, elles sont en revanche souvent très hydrosolubles et ont des coefficients d’adsorption faibles, ce qui augmente le risque de transfert dans les cours d’eau.
Pas joli joli le sapin de Noël !
Coupes rases et plantations intensives de douglas
Le sapin de Noël n’est pas le seul en cause dans le bouleversement des paysages du Morvan : le pin ou le sapin sont également utilisés pour les charpentes, pour faire des palettes ou plus souvent, juste pour faire de la pâte à papier.
Le pin douglas est une introduction artificielle et très récente dans le Morvan et il est étonnant que le Parc du Morvan en fasse la promotion au détriment des forêts de feuillus variés. La biodiversité est pourtant incomparablement plus élevée dans une forêt de feuillus que dans une plantation de sapins, ... et la promenade y est bien plus agréable également !
La monoculture du sapin ou du douglas se fait généralement suite à la coupe à blanc de l’ancienne forêt biodiverse de feuillus. Pour empêcher les anciens feuillus de repousser, les souches sont arrachées. C’est une destruction totale du biotope et de l’écosystème.
Enfin, la culture du douglas vise le maximum de profit au plus court terme, un peu comme à la bourse, où on voit ce que ça donne après quelques cycles de profits !
En ce qui concerne la culture intensive, voici les mécanismes qui mènent à la catastrophe :
– Pour un profit plus rapide, les pins sont coupés dés qu’ils sont grands, mais bien avant qu’ils n’aient atteint leur véritable maturité.
Or, pendant leur phase adulte, ils ne croissent plus mais se renforcent simplement : le bois devient de plus en plus solide.
Du fait que les bois sont collectés le plus vite possible, ceux-ci sont très jeunes, ils n’ont pas eu le temps de la maturation qui en renforce la structure. Cela prête peu à conséquence pour faire de la pâte à papier, mais si c’est pour de la charpente, elle sera moins résistante et le bois se conservera mal dans le temps (résistance à l’humidité ou aux vermines)... et les maisons sont moins durables !
– Par ailleurs, c’est pendant leur phase de croissance que les pins puisent le plus de nutriments du sol tandis que c’est pendant leur maturité qu’ils restituent progressivement des éléments à leur environnement.
Or aussitôt les arbres coupés, très jeunes donc après qu’ils aient bien épuisés le sol, et à peine le bois évacué, les forestiers souvent replantent aussitôt sur place une nouvelle génération de pins d’une seule espèces de résineux plantée comme un champ de maîs. Pour cela, ils n’attendent pas ! Ils ne font ni jachère, ni rotation des espèces, dont pourtant n’importe quel jardinier sait qu’elles sont nécessaires pour maintenir la fertilité d’un sol !!
En conséquence, le sol s’épuise. La stérilité menace en 2 ou 3 générations ... :-(
Comme on le voit, tant pour les charpentes que pour le biotope, ce modèle n’est absolument pas durable.
Alternatives
Il y a des alternatives cependant.
Bois durable
Le changement climatique est dorénavant sur toutes les lèvres. Dans ce cadre, le bois est légitimement perçu comme le matériau d’avenir : renouvelable, il capte le CO2 atmosphérique pour sa croissance, et évite le recours à d’autres matériaux dont la fabrication nécessite beaucoup d’énergie et génère d’importants rejets de gaz carbonique. C’est donc un acte citoyen et responsable ... à condition que le bois soit issu de forêts gérées durablement…
Pour les collectivités, PEFC Belgium a élaboré un ‘Guide des achats publics de bois durable’ [2]. Pour les communes, c’est un premier pas, concret, vers une une démarche de consommation responsable.
Forêts durables et biodiverses
Le Groupement Forestier pour la Sauvegarde des Feuillus du Morvan réalise une gestion écologique de la forêt sur plus d’une centaine d’hectares. Les forêts restent belles, et en plus c’est rentable !
Les objectifs du groupement forestier sont :
– Acheter des parcelles qui se distinguent par une grande diversité arbustive et de milieu, devant être protégées d’une exploitation intensive mais également d’acquérir des parcelles de résineux afin d’y réimplanter des feuillus.
– Démontrer qu’une gestion respectueuse de la forêt est rentable (engagement d’une sylviculture)
– Sauver de la coupe rase des peuplements de feuillus ou mélangés, d’un bon avenir, et qui ont un intérêt patrimonial ou paysager
– Ralentir et pourquoi pas bloquer l’évolution inquiétante de l’enrésinement des forêts du Morvan
– Avoir une position de propriétaire auprès des instances forestières.
Le groupement gère déjà cinq forêts en Morvan pour un total de plus de 100 hectares, mais cela ne concerne encore qu’une très faible partie de la forêt du Morvan, et de nombreux hectares de biodiversité feuillue sont encore menacés.
Pour participer à l’achat de futures forêts à sauver, vous pouvez acheter des parts de ce Groupement Forestier ... et même éventuellement les offrir comme cadeau de Noël écologique et éthique !
Il y a aussi des alternatives au sapin de Noël.
Par exemple, les enfants de l’école Jules Ferry de Bagnolet ont fabriqué eux-même un sapin 100% recyclé ... à base de déchets brillants de toute sorte !
Par contre, évitez les sapins artificiels
En ce qui concerne les gaz à effet de serre, le sapin de Noel naturel a moins d’impact sur l’environnement que le sapin artificiel. C’est confirmé par une très sérieuse analyse du cycle de vie [3] que Ellipsos, une firme québécoise d’experts-conseils en développement durable, a réalisé.
Les résultats révèlent que le recours à un arbre naturel, venant de la région (moins de 150 km) et acheté à un magasin génère 3,1 kg de gaz à effet de serre tandis que le recours à un arbre artificiel généralement made in china en émet l’équivalent de 8,1 kg par année. Cela tient compte du fait que la durée de vie moyenne d’un arbre artificiel est de 6 ans. Pour faire aussi bien avec un sapin artificiel, il faudrait conserver son arbre artificiel durant au moins 20 ans ! Le sapin naturel a toutefois légèrement plus d’effets négatifs sur la santé humaine et est nettement plus dommageable pour les écosystèmes où on le cultive.
Attention aux priorités quand même : ce choix ( sapin naturel / sapin artificiel / pas de sapin ) est moins lourd dans ses conséquences que le choix de faire usage du vélo ou de la voiture pour se rendre à son travail : le mode de locomotion retenu a des conséquences bien plus importantes pour l’empreinte écologique.
Sapins de Noël : excédé par les pesticides, il a tiré au fusil sur une cuve d’épandage
Article de Gaspard d’Allens pour Reporterre)
Un sapin de Noël sur quatre provient du Morvan. Ils y poussent sous perfusion d’engrais et aspergés de produits phytosanitaires. Excédé de voir ses abeilles mourir, Roger a tiré au fusil sur une cuve d’épandage de pesticides traitant les parcelles voisines de chez lui. Son acte a révélé le ras-le-bol des habitants de la région face à cette activité industrielle.
Roger Prigent n’en pouvait plus. Le 14 juin 2019, excédé après des années à ruminer sa colère, il a pris son fusil et tiré dans une cuve d’épandage de pesticide. Cet apiculteur retraité de 67 ans avait déjà subi plusieurs faillites, vu son cheptel mourir et son activité s’écrouler. À cinq reprises en moins de quinze ans. « Là, je suis sorti de mes gonds, dit-il à Reporterre au téléphone. On nous empoisonne. Mes abeilles, c’est ma vie. »
Dans le massif du Morvan, à Marigny-l’Église (Nièvre), ses voisins cultivent des sapins de Noël. Loin de l’image bucolique qu’elles peuvent véhiculer, ces plantations sont devenues intensives. En France, un sapin vendu sur quatre vient de la région. Soit plus de 1,2 million chaque année. Ces champs d’arbres, tracés au cordeau, sont traités comme des parcelles de maïs, arrosés, sous perfusion d’engrais et aspergés de produits phytosanitaires.
« Quand ils épandent des pesticides, le nuage s’étire parfois sur un kilomètre, raconte Roger. Ils utilisent des fongicides, des herbicides, et même du glyphosate. » L’apiculteur habite à quinze mètres de la parcelle. « Ça se passe sous nos fenêtres. On respire tous les résidus toxiques. » Il y a quelques années, Roger a même attrapé un cancer. « Je peux rien prouver mais je suis sûr que c’est lié. À une époque, ils passaient le pulvérisateur toutes les deux semaines. »
Selon l’apiculteur, les pesticides sont responsables de la mort de nombre de ses abeilles.
Marigny-l’Église se situe dans un coin vallonné de la Nièvre, au cœur du parc naturel régional du Morvan. Un comble pour l’apiculteur. « Comment le Parc naturel a-t-il pu cautionner ces pratiques agro-industrielles ? », s’interroge-t-il. Depuis quelques décennies, le bocage s’est transformé. Les élevages de charolais ont cédé la place au sapin. Une culture devenue aussi rentable que la vigne. Elle rapporte dans les 4.000 euros l’hectare.
« À côté de chez moi, les planteurs ont arraché des haies, canalisé des sources et drainé des zones humides. Ils ont même coupé à ras une parcelle de forêt et labouré les prés pour installer leurs sapins, explique Roger. Le terrain est en pente, alors tous les pesticides s’écoulent dans le lac du Crescent. J’ai alerté les autorités, la gendarmerie, le préfet, le conseil général, le député, les organismes de la protection de l’eau, le Parc… Mais personne ne bouge », regrette-t-il.
L’apiculteur se sent esseulé. Il ne pèse pas grand-chose face à ce secteur économique grandissant. Au mois de novembre, à Planchez-en-Morvan, à quelques kilomètres de Marigny-l’Église, une soixantaine de camions partent chaque jour remplis de sapins pour inonder le marché français, les magasins Truffaut, Carrefour ou Bricorama.
« Je vais pas laisser ma famille se faire contaminer »
Au cours d’un énième épandage, l’apiculteur a explosé. « Il était six heures du matin, je me dirigeais vers les ruches et j’ai vu mes voisins dans un tracteur en train de pulvériser des produits phytosanitaires et du soufre. » L’homme a d’abord fait de grands signes, leur a demandé d’arrêter. Sans résultat. « Je voudrais au moins qu’ils me préviennent. Ils ne peuvent pas faire ça impunément. Mes abeilles étaient de sortie. Je ne savais pas si elles reviendraient le soir. »
L’homme est allé chercher son fusil et a tiré dans la cuve remorquée par le tracteur. « Je ne suis pas un illuminé, se défend-il. J’ai tiré simplement sur un morceau de plastique. C’était le seul moyen de me faire entendre, une forme de légitime défense. Je ne vais pas laisser ma famille se faire contaminer. Mon fils vient de s’installer en agriculture biologique juste à côté. »
« En France peu de gens savent que les sapins de Noël sont cultivés de manière industrielle. »
Le 12 novembre 2019, Roger était entendu au tribunal correctionnel de Nevers. Le Morvandiau de 67 ans a voulu transformer ce procès en diatribe contre les pesticides. Mais le président n’a eu de cesse de lui répéter qu’il était là pour répondre de ses actes. « L’audience ne porte pas sur le bien fondé de l’épandage », a-t-il tranché.
Fragilisé, Roger s’est enfermé. Son avocate, Me Élodie Picard, a affirmé au cours du procès que son client n’avait « pas d’autre choix. Soit il se tirait une balle dans la tête, soit il tirait dans la cuve. Heureusement qu’il a tiré dans la cuve ! »
Un mois plus tard, Roger confie à Reporterre avoir songé au suicide. « J’ai failli sombrer », dit-il pudiquement. L’apiculteur a été condamné à six mois de prison avec sursis. Il a l’interdiction d’entrer en contact avec un membre de la société et de porter une arme pendant cinq ans. Il devra également débourser 6.000 euros au titre des préjudices moral et matériel et pour les frais de justice.
« C’est énorme compte tenu de mes faibles revenus, déplore-t-il. Sur quinze ans, après avoir retiré 20 % de perte due à la mortalité naturelle des abeilles, j’estime à 170.000 euros la perte d’exploitation due aux produits phytosanitaires employés par les planteurs de sapins, calcule-t-il. Moi, je n’ai jamais été indemnisé. »
« Le sapin reçoit entre 80 et 100 traitements chimiques dans sa vie »
Localement, cette histoire a fait bouger les lignes. Roger est soutenu par plusieurs dizaines de personnes. Une pétition a été lancée. « On fait circuler une caisse de solidarité. On essaye d’être autour de lui. Je vends ses pains d’épices sur les marchés, raconte Marie-Anne Guillemain, une céramiste membre de l’association locale Adret Morvan.
Des plantations d’arbres de Noël à Anost (Saône-et-Loire). L’affaire reflète un sentiment de ras-le-bol plus général exprimé par de nombreux habitants de la région. « En France, peu de gens savent que les sapins de Noël sont cultivés de manière industrielle. On croit tous que c’est naturel et respectueux de l’environnement, mais c’est faux », s’exclame Marie-Anne, également animatrice du livret forêt à la France insoumise.
« En moyenne, un sapin en conventionnel reçoit dix traitements par an. Des fongicides, des herbicides, du glyphosate, énumère Hugo Querol, un professionnel du secteur qui s’est lancé dans le sapin de Noël bio. « L’arbre est coupé entre 8 et 10 ans. Il aura donc reçu entre 80 et 100 traitements chimiques au cours de sa vie. C’est considérable. »
Des hormones de croissance sont également utilisées pour donner du volume au sapin et lui assurer sa forme conique. Or, ces produits ont des tendances cancérigènes. Comme nous l’apprend le parc du Morvan : Afin d’obtenir une croissance apicale contrôlée des arbres de Noël, des régulateurs de croissance chimique sont parfois appliqués en plus des engrais et pesticides divers. Il s’agit la plupart du temps de molécules inhibant la synthèse des gibbérellines, ces hormones végétales favorisant l’élongation cellulaire. Toutefois, ces produits ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes (…) Du point de vue toxicologique, le daminozide est suspecté de cancérogenèse. »
Quelques scandales ont d’ailleurs éclaté.
En 2010, une étude de l’Agence régionale de santé a révélé que des traces de pesticides avaient été retrouvées au niveau d’un captage d’eau potable à Champeau-en-Morvan. Le produit incriminé est du « dichlobénil », un puissant herbicide, possible cancérogène, utilisé dans les monocultures de sapins. La substance a été interdite depuis 2012 mais la pollution est toujours présente localement.
« Aucune enquête sanitaire n’a été faite, dit Hugo Querol. Mais on peut imaginer qu’un sapin, après avoir été coupé, peut continuer à exhaler des substances chimiques, d’autant plus dans une zone confinée, à proximité d’un poêle ou d’une source de chaleur. »
De son côté, Roger milite désormais pour que les traitements chimiques soient interdits à proximité des zones d’habitation. « C’est quand même fou d’en arriver là, pour une belle fête comme Noël. »
Article de Gaspard d’Allens pour Reporterre https://reporterre.net/19331