Le Président de la République a placé l’enjeu climatique à un haut niveau de considération politique, notamment suite à l’annonce du retrait des États-Unis de l’accord de Paris. La France a également agi en faveur d’objectifs de transition énergétique relevés au niveau européen (32% d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique pour 2030 contre 27% auparavant) ce qui participe à l’indispensable rehausse de l’ambition climatique européenne. De même, au niveau national, des signaux importants ont été donnés sur le long terme : fixation d’un objectif de neutralité carbone à atteindre en France d’ici à 2050, fin de la production d’hydrocarbures ou de la vente de véhicules diesel et essence à l’horizon 2040 (malgré des exemptions ou échéances trop tardives), etc.
...mais l’adoption de mesures de court terme non alignées avec les objectifs annoncés Les caps donnés par le Gouvernement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre doivent se concrétiser dès maintenant dans l’économie réelle, à travers des pratiques, des biens et des services fondamentalement revisités. Mais, jusqu’à présent, mise à part l’augmentation de la fiscalité carbone et du diesel, les mesures structurantes se font attendre. Les investissements consacrés à la transition énergétique font encore cruellement défaut, avec un déficit de 20 à 40 milliards d’euros par an pour atteindre les objectifs fixés en la matière. Les mesures adoptées pour y remédier sont encore trop timides, en témoigne la récente feuille de route présentée par le Gouvernement sur la rénovation des logements qui ne permettra pas de donner le coup d’accélérateur tant attendu pour faire décoller ce grand chantier en France.

Résistance Climatique Avec la crise du covid, on voit tout à coup qu’on peut réaliser des changements insoupçonnés du monde et de nos habitudes. Et on mesure encore une fois que le basculement (...)
Des intérêts particuliers qui continuent trop souvent de l’emporter sur l’intérêt général A l’instar des précédents gouvernements, le climat se trouve encore trop souvent sacrifié sur l’autel des intérêts particuliers de quelques secteurs : report du calendrier pour réduire la part du nucléaire dans le mix électrique français, recul sur l’élargissement prévu de la taxe française sur les transactions financières et suspension des négociations sur la taxe sur les transactions financières européenne, cadeaux fiscaux maintenus dans la loi de finances pour les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre que sont les transports routier et aérien, autorisation donnée à Total pour démarrer la production d’agrocarburants à la Mède et l’exploration pétrolière au large de la Guyane, absence de prise en compte de l’enjeu climatique dans la récente loi alimentation, etc. Les exemples de décisions prises récemment et qui préservent les intérêts de quelques secteurs privés au détriment du climat ne manquent pas.
Des signaux contradictoires sur le climat La politique menée depuis plus d’un an, aussi bien au niveau national qu’international, souffre d’un manque de cohérence :
- Un Président de la République qui consacre une part importante de son agenda diplomatique au climat notamment à l’occasion de ses rencontres bilatérales (Chine, Inde, Canada, etc.) et qui, en même temps, valide la conclusion de traités commerciaux incompatibles avec le climat comme le CETA, la vente d’avions Airbus à la Chine et d’EPR à l’Inde.
- Une décision d’abandonner l’aéroport de Notre Dame des Landes que les prédécesseurs avaient laissé s’enliser depuis de nombreuses décennies et, en même temps, l’autorisation donnée à deux projets d’infrastructures routières (le grand contournement Ouest Strasbourg ainsi que le projet de contournement Est de Rouen).
- Des efforts louables entrepris pour faciliter et accélérer l’essor des énergies renouvelables et, en même temps, un report du calendrier sur le nucléaire et aucune ligne directrice claire concernant le futur modèle énergétique de la France
- Une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée en cours d’élaboration et, en même temps, une autorisation donnée à Total de lancer sa raffinerie de la Mède, reposant sur l’importation supplémentaire de 300 000 à 550 000 tonnes d’huile de palme par an en France. Cette politique du “en même temps” ne fonctionnera pas pour résoudre la crise climatique. L’atteinte de la neutralité carbone en 2050 nécessite que l’enjeu climatique soit considéré dans l’ensemble de la politique gouvernementale.
Un soutien encore trop timide aux alternatives et aux plus modestes Si des mesures ont été prises pour garantir l’acceptabilité sociale de la transition énergétique (contrats de transition énergétique avec les territoires, chèque énergie pour les ménages en situation de précarité énergétique, prime à la conversion vers des véhicules moins polluants, etc.), leur portée reste trop limitée. Il faudrait à titre d’exemple tripler la valeur du chèque énergie pour concrètement aider les ménages modestes en situation de précarité énergétique. Et étendre la solidarité au-delà de nos frontières car aujourd’hui, des populations entières ont besoin d’être soutenues pour faire face au dérèglement du climat. Enfin, les alternatives indispensables à une transition juste socialement (train, transports en commun, vélo, etc.) souffrent d’un manque d’appui du Gouvernement.
Au-delà d’une diplomatie active et de signaux de long terme importants pour le climat, l’action du Président de la République et du Gouvernement n’est finalement pas disruptive. Le Réseau Action Climat et ses associations membres les appellent sans plus attendre à un changement de cap pour redonner à la transition climatique la place prioritaire qu’elle mérite au sein de l’ensemble de la politique du Gouvernement. Ils leur proposent d’apporter 12 gages de crédibilité d’une action gouvernementale ambitieuse pour lutter contre le dérèglement climatique. Ils appellent par ailleurs les parlementaires à agir dans la même direction et à faire preuve d’ambition à travers les différents chantiers qui sont en cours ou leur seront bientôt soumis : stratégie nationale bas carbone, loi mobilités et projet de loi de finances pour 2019 notamment.