Sur metropolitiques, article :
Effervescences de l’habitat alternatif par Claire Carriou & Olivier Ratouis & Agnès Sander, le (T)
Depuis les années 2000 en France et en Europe, dans un contexte où l’accès au logement devient de plus en plus complexe pour les populations modestes comme pour les classes moyennes, les projets qui proposent de nouveaux modes de production et de gestion de l’habitat se multiplient. Dans ce dossier, Métropolitiques propose un tour d’horizon de ces pratiques innovantes.
Futurs habitants de la coopérative Le Grand Portail, lors de la pose de la première pierre, à Nanterre (92), 4 décembre 2011. © Hervé Saillet
À la marge des deux secteurs historiques dominants, la promotion immobilière privée et le secteur social, c’est un véritable essaim d’initiatives qui se développe, visant à financer, construire et/ou vivre le logement autrement. Des petits ensembles d’une dizaine de logements, le plus souvent à la pointe des exigences environnementales en matière de construction et dotés d’espaces partagés (salle commune, buanderie, jardin partagé etc.), ont ainsi vu le jour récemment. Quelques opérations médiatisées sont actuellement en chantier et 200 autres sont actuellement à l’étude. D’un projet à l’autre, les principes guidant ces démarches présentent des parentés évidentes : la participation des habitants à la conception et à la gestion du logement, la recherche de relations de voisinage favorisant la solidarité, l’invention de modes de consommation et de construction considérés comme plus respectueux de l’environnement ou encore la prise de distance avec un marché immobilier déconnecté des revenus du travail en constituent les traits les plus saillants.
Ces idées ne sont pas, à proprement parler, nouvelles dans le champ de l’habitat. Les années 1970 et 1980 avaient vu éclore des initiatives, notamment autour du mouvement pour l’habitat groupé autogéré, dont les valeurs affichées et les modes de faire sont très proches de celles des projets actuels. Aujourd’hui, la crise du politique en tant qu’espace commun légitime, la hausse du prix de l’immobilier et du foncier, l’affaiblissement des moyens publics accordés au logement social ou encore l’affirmation de nouvelles revendications citoyennes sont autant de facteurs qui contribuent à en renouveler largement la nature et le sens.
Dans cette brèche (ré)ouverte depuis peu dans le secteur de l’habitat, chaque projet est encore l’occasion d’une expérimentation nouvelle, même si des réseaux nationaux et internationaux se constituent actuellement pour fédérer les différentes initiatives et capitaliser les savoir-faire. Ces expériences apparaissent ainsi plurielles et multiformes, comme en témoigne la variété des expressions mobilisées pour les qualifier : « habitats alternatifs », « participatifs » ou « coopératifs », « habitats groupés » voire « co-habitats » en référence à l’expression anglo-saxonne « cohousing ». Les montages juridico-financiers mobilisés (autopromotion, coopérative etc.), les objectifs poursuivis et les profils socio-économiques des populations concernées diffèrent largement d’une opération à l’autre. Les initiatives sont, en outre, portées par des acteurs variés, le plus souvent par des associations et/ou groupes d’habitants, des professionnels de l’architecture et de la construction, mais parfois aussi par des bailleurs sociaux et des collectivités territoriales, ces dernières voyant là un moyen de diversifier leur parc et de donner un contenu participatif aux éco-quartiers dont elles sont souvent à l’origine. L’heure est au bouillonnement expérimental et à la confrontation des modèles dans une course à la généralisation qui reste à inventer.
Dans ce dossier, Métropolitiques propose d’explorer, au regard des expériences passées, la spécificité et les enjeux liés à ces effervescences actuelles dans le champ de l’habitat alternatif. Plusieurs questions parcourent les différents articles, parmi lesquelles celle du sens et de l’homogénéité des initiatives actuelles. Doit-on parler plutôt d’un mouvement unifié ou bien d’une nébuleuse d’expériences ? Qui sont les acteurs et bénéficiaires de ces opérations et par quels projets, social, collectif, immobilier ou professionnel, sont-ils animés ? Quelle est, enfin, la capacité de reproductibilité et de multiplication de ces expériences, dans un contexte où la fédération des porteurs de projets, d’une part, et la coopération avec les acteurs publics, d’autre part, apparaissent comme des conditions nécessaires pour sortir du registre de l’exceptionnel et aboutir à la création de dispositifs juridico-financier en faveur d’un tiers secteur de l’habitat ?
Au sommaire de ce dossier :
L’habitat alternatif : une question ancienne
« La participation dans l’habitat, une question qui ne date pas d’hier », Marie-Hélène Bacqué et Claire Carriou, 11 janvier (T)« La Maison du Val, un habitat autogéré », entretien avec Alain His par Olivier Ratouis, 26 octobre 2011
Mouvement unifié ou nébuleuse ? Des initiatives multiformes
« La nébuleuse de l’habitat participatif : radiographie d’une mobilisation », Anne D’Orazio, à paraître « Le Village vertical, la longue marche d’une coopérative d’habitants à Villeurbanne », Marie-Pierre Marchand, 9 janvier (T)« L’invention de l’autopromotion à Strasbourg », Hélène Steinmetz et Anne Debarre, à paraître « Quand vieillir passe par l’habitat autogéré », Stéphanie Vermeersch, 20 décembre 2010
Institutionnalisation et reproductibilité des expériences
« De l’expérimentation à l’institutionnalisation : l’habitat participatif à un tournant ? », Camille Devaux, à paraître « Les coopératives de logements en Uruguay. Une production de l’offre de logement par le tiers secteur », Sarah Folléas, à paraître
Une maîtrise d’œuvre spécifique
« Les architectes de l’habitat alternatif entre militance et compétence », Véronique Biau, à paraître « Une maîtrise d’œuvre adaptée à l’habitat alternatif », entretien avec Hervé Saillet, par Claire Carriou et Olivier Ratouis, à paraître