La Chronique de Véronique :
Les paysans "qui se mettent à faire des WC secs sont révolutionnaires. En 5 ans, ils dépolluent pratiquement tous les petits cours d’eau en France. Pour 300 francs et 1 journée de travail" dit une femme. Se servir d’un WC sec est donc un acte politique. Mais quand on sait comme le dit un autre personnage que "Les WC à l’eau polluent 40% des eaux de surface", ça vaut le coup de l’acte politique.
La logique de l’alternative
Le film ne se contente pas de montrer des lieux et de décrire des modes de vie alternatifs, il met volontairement l’accent sur les aspects civiques de telles options.
Il y a ceux qui défendent l’idée de vivre avec le RMI pour avoir les moyens de mettre en oeuvre le projet qui les fait rêver, ceux qui refusent toute aide de l’état, réduisent et contrôlent leurs propres besoins. Il y a les chomeurs qui défendent l’idée du vol dans les grandes surfaces comme juste rétribution, ceux qui sont contre mais pas complètement, ceux qui occupent un immeuble bientôt démoli pour simplement pouvoir se loger, ceux qui construisent en paille où tout est recyclable pour un prix accessible. Il y a ceux qui fabriquent ensemble un moteur à eau : "à plusieurs, on trouve des solutions qui n’ont pas d’intérêt commercial… Notre tâche est historique, il faut simplifier pour le plus grand nombre. C’est toujours une minorité qui change l’intentionnalité".
Un personnage affirme que [ici], "les capitalistes n’existent plus de fait car on a pas besoin d’eux" tout en expliquant comment fonctionne sa pompe à eau faite avec des matériaux de récupération.
Al païs n’est pas comme la ville
La grande différence entre la ville - où les actions peuvent être assez musclées et qu’on peut qualifier de réappropriation de biens existants - et celles établies à la campagne - qui sont plutôt du coté de l’autosuffisance et du désir de tranquillité - est troublante. Comme s’il était plus difficile de construire en ville.
Les réalisateurs répondent que ce choix a été fait consciemment car des documentaires ont déjà été tournés sur certaines alternatives en ville et que leur objectif était d’en montrer d’autres.
Rien foutre ?
Le titre du film fera sans doute dire à certains que ce ne sont rien que des glandeurs, tous ces types qui disent ne pas vouloir bosser. Mais s’ils se donnent la peine de le voir, ils constateront que ces types bossent, parfois dur.
Seulement, ils choisissent leurs activités, ils reconnectent le travail avec leurs besoins réels. Ils visent à l’autoproduction et à l’autonomie. C’est le travail vu par le MEDEF qui est ici remis en cause. "Travailler, c’est la mort" dit un homme qui distribue des tracs d’appel à une manif. Il veut transformer les agences d’intérim en guinguettes. "La peur peut changer de camp".
D’autres redéfinissent les notions différentes entre activité et travail. Finalement, ce que viennent chercher les chômeurs à l’ANPE, c’est de l’argent pas du travail, que d’ailleurs l’ANPE est incapable de leur fournir, ils le disent eux-même.
Solidarité dans la diversité
Dans les images montrées, on sent bien que les gens oeuvrent et réfléchissent ensemble et qu’il y a un lien fort entre eux. Mais cette notion explicite d’entraide, qui existe bel et bien dans la réalité, manque un peu dans le film. Par ailleurs, il n’y a pas d’immigrés dans de ce que les réalisateurs ont vu, et à l’écran. Enjeux différents ?
De même, les femmes n’y sont pas beaucoup représentées, quant aux enfants ils sont presque inexistants. Les hommes tiennent une grande place. « Hasards du tournage », dit Stéphane Goxe. Pierre Carles avance que « les femmes ont tellement lutté pour travailler et avoir un salaire qu’elles sont statistiquement moins nombreuses que les hommes dans les lieux alternatifs, car elles ont plus à perdre ». Il raconte aussi qu’Ils occupent plus facilement qu’Elles le terrain face à la caméra. Alors, les hommes, on fait le beau dès qu’on se sent filmé ?
Retraites alternatives
Après avoir passé leur vie à réinventer le travail et à non-cotiser aux caisses de retraites, ...(suite)... il y a les vieux jours des alternatifs, ceux qui se font mutuellement confiance pour ne pas se laisser tomber au moment où les uns auront besoin des autres. "Si certains sont obligés de partir en maison de retraite, on pourra se poser des questions…".
Dans ce lieu, on sent que cela a déjà été largement réfléchi. Alors, bien sûr, l’identification aux combats pour sauver les caisses de retraites, c’est pas trop leur truc. Pendant que certains se battent pour des droits sociaux chèrement acquis, ceux-là inventent une autre solidarité, à leur taille.
Trois réalisateurs pour un film
Pierre Carles et ses films piquants qu’on lui connaît diffusés sur grands écrans ; Christophe Coello et Stéphane Goxe et leurs films traitants de luttes anonymes au Chili et en Argentine, diffusés par la bande, celle des circuits parallèles.
Le début du film va vite. On entre directement dans le discours. Ce n’est qu’après qu’on a le temps de souffler et de s’installer dans les séquences.
On ressort du film avec plus de question qu’en entrant, ça fait du bien. On sent le gros travail de construction de l’intention, non pas pour nous tracer d’avance les certitudes mais au contraire pour nous faire mousser la réflexion. Peut-être est-ce que 3 réalisateurs valent mieux qu’un ? A plusieurs, on est plus intelligent que tout seul.
Sur les 3, j’en ai rencontré deux. Ils ont l’air plutôt gentils. Ils m’ont même confié quelque chose que je m’empresse de répéter : un troisième film pourrait voir le jour pour aller plus loin dans le propos.
Après "Attention danger travail" et "Volem rien foutre al païs"... ce pourrait être, complètement débranché du travail, nos réalisateurs pourraient ils réaliser un film sur les utopies concrètes ?
Cette chronique a été publiée dans Passerelle Eco n°25 de février de l’An 07 ...