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Vous êtes ici > Accueil > Thématiques > Effondrement > « L’Homme, cet animal raté » : extraits du livre de Pierre Jouventin

le 27 juin 2018

DOSSIER :
Pierre Jouventin et l’effondrement (5)

Extraits du livre "L’Homme cet animal raté" de Pierre Jouventin, en complément à la revue Passerelle Eco n°66 sur le thème "Effondrement écologique et social ; et Transition intérieure".

L’Homme, cet animal raté (extrait 5)

Qui sommes-nous ? (Partie 3/3)

Quel a été l’impact de la révolution néolithique ?

Avec l’accroissement de l’efficacité de la chasse, la natalité a pu augmenter, donc la population, ce qui a accru du même coup la compétition entre humains et épuisé les ressources naturelles, les animaux et les plantes ne pouvant plus se renouveler assez rapidement.

Nous nous sommes donc détachés, il y a 10-20.000 ans, de notre environnement initial en l’exploitant plus intensivement et en tous lieux.

Ayant appris à tailler des pierres et des bâtons plus adroitement pour fabriquer des armes, ramener plus de gibier et nous faire craindre de nos rivaux, que ce soient d’autres hommes ou des grands carnivores, nous avons dû coloniser d’autres lieux pour échapper à la concurrence. En bons opportunistes, nous avons appris à nous adapter à chaque pays et chaque climat, à chaque type nouveau de proie.

Cependant, même en passant d’une ressource naturelle à une autre, en augmentant notre rayon d’action et notre autonomie, nous ne faisions que retarder l’échéance puisque la planète n’est pas infinie. Nous reculions pour mieux sauter puisque nous restions dépendants de notre milieu, au même titre qu’un poisson rouge ne peut vivre hors de son bocal.

Pendant 95% de l’existence de notre espèce, nous avons ainsi vécu en équilibre avec notre milieu et ce mode de vie, difficile quand on le compare avec le nôtre, aurait pu durer indéfiniment, comme celui d’un loup ou d’un chasseur-cueilleur qui n’épuisent jamais leurs ressources puisque leur natalité est régulée par l’abondance de la ressource. Quand ils dépassent les capacités de renouvellement du gibier, n’importe quel prédateur normal manque de nourriture et doit migrer ou s’arrêter de se reproduire en attendant une nouvelle abondance.

Nous vivons depuis le néolithique dans des conditions complètement différentes mais la machine humaine est restée la même : un homme dans un supermarché n’a bien sûr pas grand-chose à voir avec un chasseur-cueilleur. Il prend moins de risques pour trouver sa viande et la trouve avec moins de fatigue. Pourtant, nous sommes toujours bâtis de la même manière, physiquement, et surtout, de manière moins visible, psychologiquement…

L’homme a donc changé radicalement de mode de vie au néolithique. Sa démographie ralentie (qui était de type K) est devenue une stratégie démographique accélérée (de type r) comme celle des petits animaux, type rongeur, qui vivent brièvement et se reproduisent souvent.

Pourtant, la durée de vie d’un homme est beaucoup plus longue que celle d’un petit mammifère : la surpopulation et la surexploitation des ressources le guettaient s’il ne prévoyait rien pour éviter la catastrophe démographique et alimentaire qui était inéluctable à très long terme…

Exploitant intensivement la nature, l’homme a donc commencé, dès le néolithique, à ne plus gérer son patrimoine en bon père de famille qui pense à sa descendance, à dépenser le capital au lieu de se contenter des intérêts du placement, à la différence des animaux et des ancêtres humains comme les cousins néandertaliens…

À cette époque et avec la minuscule population humaine du début, cela ne prêtait pas à conséquence, mais la bombe démographique à retardement était déclenchée…

Cette imprévoyance a permis un développement extraordinaire de ses populations. Homo sapiens s’est multiplié et a colonisé la planète, exploitant et mettant à jour des ressources toujours nouvelles pour retarder l’échéance de l’épuisement des ressources. Mais la planète n’étant pas infinie et les ressources étant limitées, l’accroissement perpétuel des hommes n’est plus possible malgré tous les espoirs et les promesses des prophètes du Progrès perpétuel. Comme l’avait prévu Malthus il y a longtemps, chez les animaux comme chez les humains, la croissance démographique est plus rapide que celle des ressources alimentaires : la famine nous rattrape un jour ou l’autre si on ne régule pas ses populations.

Nous entrons aujourd’hui dans cette période de pénurie que nous avons pu différer pendant des millénaires. Pour cela, colonisant perpétuellement de nouveaux espaces et de nouvelles ressources, nous avons vidé notre milieu de vie de ses richesses en surexploitant la nature. Les ressources alimentaires, minérales, énergétiques sont maintenant en train de s’épuiser du fait de cette gestion à court terme.

La plus célèbre et la plus classique des escroqueries s’appelle ‘la pyramide de Ponzi’. Elle consiste, pour un escroc comme Bernard Madoff, à payer les échéances des anciens clients avec ce qu’on encaisse des nouveaux, donc sans faire travailler l’argent, sans attendre ni revenus ni équilibre financier… Notre stratégie d’exploitation de la nature, sans pour cela avoir été aussi cyniquement calculée, se révèle aujour d’hui d’aussi courte vue.

Homo sapiens est-il un superprédateur ?

La réponse à cette question est pire qu’un oui. En effet, nous avons continuellement changé de ressource selon le lieu et le mode d’exploitation de la nature. Alors qu’un loup ne peut survivre s’il tue trop de proies, l’homme à la différence des autres prédateurs peut changer de régime alimentaire, et donc éradiquer complètement des espèces et des ressources puisqu’il peut passer à d’autres…

Le végétal est mangé par l’herbivore qui est à son tour dévoré par le prédateur, c’est que l’on nomme en écologie une pyramide alimentaire. Au sommet se trouvent les superprédateurs qui ne sont mangés par personne et dépendent seulement de leurs proies. Le loup, le lion et l’homme remplissent ce rôle dans la nature.

Notre espèce occupe donc en fait la niche écologique d’un superprédateur, mais plus opportuniste que n’importe lequel qui ait existé sur Terre. Il exploite toutes les ressources de son milieu et se déplace comme le faisait Attila, surnommé ‘le fléau de Dieu’, quand il avait épuisé un lieu, pour aller se servir ailleurs.

Les hommes primitifs (Homo erectus par exemple) l’ont pratiqué d’abord modestement pendant 2,5 millions d’années en colonisant tous les continents et îles qu’ils ont pu atteindre. L’homme moderne, Homo sapiens, est sorti lui aussi d’Afrique au cours de ses 200.000 ans d’existence et a occupé tous les espaces colonisables du globe. Mais pendant ces deux derniers 10.000 ans, il a basculé de mode de vie et il est passé de l’exploitation extensive, à long terme, à l’intensive, nécessairement à court terme.

Est-ce une hypothèse qui pourrait être infirmé ? Malheureusement pas et l’histoire de l’homme le démontre abondamment. Toutes les études de paléontologie modernes convergent vers la même conclusion : partout où l’homme apparaît, les grands animaux disparaissent.

Quand on parcourt les derniers millénaires de notre histoire, le paléontologiste constate que la colonisation de la planète par nos ancêtres coïncide avec la disparition de la mégafaune sur tous les continents et grandes îles. Chaque fois que l’homme arrive sur une terre nouvelle, les grands oiseaux et mammifères s’éteignent, après quelques milliers d’années, comme par enchantement. On peut suivre son avancée, continent après continent.

En Afrique que l’on croyait un Eden et une réserve d’animaux jusqu’à récemment, plusieurs grandes espèces d’herbivores et de carnivores n’existent plus qu’à l’état de fossiles. Cette hécatombe s’est produite entre un et deux millions d’années quand les premiers véritables hommes (Homo erectus) se sont multipliés sur ce continent d’origine.

Quand nos ancêtres modernes (Homo sapiens) colonisent l’Eurasie beaucoup plus récemment, les mammouths, ours et lions des cavernes, rhinocéros laineux, aurochs, éléphants (qui ont cohabité plusieurs milliers d’années avec nous et ont fait fantasmer les chasseurs-artistes préhistoriques) disparaissent eux aussi.

En Amérique du Nord, des populations asiatiques d’origine sibérienne passent par le détroit de Behring vers -20.000 ans et colonisent ce double continent rempli d’herbivores et de carnivores géants, qui peu à peu s’évaporent après l’arrivée de l’homme.

En Australie, des indigènes traversent le détroit entre les îles autour de la Papouasie et la grande île-continent sur des radeaux, il y a 50.000 ans, au moment où le niveau de la mer est le plus bas mais où il reste un bras de mer de 80 km ! Les aborigènes investissent ce nouveau monde, avec leur chien qu’ils ont amené avec eux dans un second temps et qui reprend sa liberté pour devenir le Dingo. Peu après, les marsupiaux, qui prospéraient, passent à l’état de fossiles.

En Nouvelle Zélande, les maoris découvrent vers l’an 1.000 cette longue île et s’y installent. Des Moas, énormes oiseaux végétariens et incapables de voler, s’y sont diversifiés en de nombreuses espèces. Ils représentent des proies faciles et disparaissent avant même l’arrivée des colons européens.

A Madagascar, les lémuriens géants et l’oiseau-éléphant (dont les œufs étaient dix fois plus gros que ceux d’une autruche) subissent le même sort.

Bref, c’est toujours le même scénario qui s’est produit pour la mégafaune après l’arrivée de nos ancêtres sur une terre nouvelle.

En ce moment, nous assistons à la disparition des grands singes. Lorsque je travaillais au Gabon sur le Mandrill, il y a bientôt un demi-siècle, je me souviens avoir déclaré dans une revue scientifique anglaise que les populations de gorilles déclinaient dangereusement et certains m’ont jugé pessimiste. Actuellement le gorille de montagne n’est pas loin de l’extinction et celui de plaine, autrefois si commun, est en voie de disparition. Les chimpanzés voient leur domaine vital se restreindre chaque jour sous la pression des villageois qui se reproduisent et défrichent la forêt équatoriale pour manger. En Asie, les forêts où vivaient les orangs outangs, sont remplacées par des plantations de palmiers et les industriels de l’huile de palme essaient de nous faire croire qu’il n’y a aucun problème de cohabitation entre l’homme et ce grand singe alors qu’il est condamné à brève échéance.

Doit-on encore parler de l’ours blanc dont la banquise fond, du lion, du lycaon et de l’éléphant qui n’ont plus leur place en Afrique, du tigre qui n’existe plus qu’à l’état relictuel ?

Les multiples ethnies de chasseurs-cueilleurs sont aussi en train de disparaître sur tous les continents.

J’ai vécu avec les pygmées, parce que ce sont les meilleurs pisteurs : je ne pouvais trouver et observer mes singes qu’avec leur aide. Je ne pouvais même pas revenir seul au campement car le GPS n’existait pas et la boussole ne fonctionnait pas sur ces montagnes de minerai de fer ! C’était poignant d’assister à la clochardisation de ces derniers vestiges de notre longue existence dans la nature et la dernière preuve que l’homme a, un jour, été capable de vivre en équilibre avec son milieu.

En ce moment, des industriels de l’agriculture sont, avec la complicité des gouvernants, en train de déloger, en Ethiopie, au Brésil et ailleurs, les populations indigènes qui exploitaient les terres extensivement : les cultures et les élevages industriels prennent la place des chasseurs nomades. Les colons américains venus d’Europe l’ont fait avec les indiens en leur temps et leur ont aussi reproché de ne pas rentabiliser leurs terres avec des cultures…

Pour retourner aux origines et conclure, l’histoire de l’homme n’est plus celle d’une droite lignée d’humains aboutissant à nous au sommet de l’évolution, cette espèce parfaite qu’en toute modestie et en toute impartialité, nous sommes persuadés d’être, ce que presque toutes les philosophies et religions confirment…

Notre évolution n’a pas consisté en une longue succession d’humains de plus en plus doués, comme on nous l’a appris. Elle n’a pas été linéaire mais buissonnante, et tous les rameaux ont été coupés. Nous sommes la seule branche qui ne soit pas morte et il reste à découvrir, si ce n’est pas accidentel, qui tenait le sécateur…

Il y a 35.000 ans, outre l’homme moderne, vivaient en Eurasie l’Homme de Néandertal, que l’on a longtemps décrit comme simiesque jusqu’à ce qu’on apprenne qu’il enterrait ses morts, protégeait ses handicapés et parlait [1]. Loin d’être l’inadapté que l’on a cru, c’était un spécialiste de la chasse en groupe du gros gibier en zone froide et il était, d’après sa musculature et son squelette, bien plus robuste et performant que nos graciles ancêtres. Le séquençage d’ADN, qui coupe court aux discussions fumeuses, a prouvé qu’il est notre cousin, et même qu’il y a eu croisement entre populations d’hommes modernes et de néandertaliens (on ne parle plus d’‘espèces’ s’il y a eu hybridation dans les conditions naturelles). D’ailleurs, à part les africains qui ne l’ont jamais rencontré, les populations actuelles comprennent toujours dans leur patrimoine héréditaire, 1 à 4% des gènes de cet homme disparu mystérieusement : nous sommes donc encore un peu des Néandertaliens !

Comme les précédents, l’Homme de Néandertal disparaît quelques milliers d’années après l’arrivée de l’homme moderne en Europe et les spécialistes se disputent beaucoup pour savoir comment et pourquoi… A l’époque des grands artistes de la grotte Chauvet, vivaient en même temps que les néandertaliens et nous, trois autres hommes sur Terre !

Dans l’île de Java en Indonésie, ont été trouvés les restes de l’Homme de Solo, dont on n’a mis au jour pour le moment qu’une phalange, suffisante cependant pour montrer que son ADN n’a pas grand-chose à voir avec le nôtre. On a aussi trouvé, dans l’Altaï au sud de la Sibérie, les restes de l’Homme de Denisova, sur lequel on se perd aussi en conjonctures et dont on vient de trouver un bracelet vieux de 40.000 ans, mais qui, lui aussi, est bien différencié des autres. Enfin, cerise sur le gâteau de notre héritage insoupçonné et de notre famille recomposée, on a découvert sur une île indonésienne, l’Homme de Flores, dit le Hobbit puisqu’il mesurait un mètre… Son cerveau était gros comme une orange et certains chercheurs l’ont considéré comme un handicapé. Mais tous les squelettes seraient atteints de nanisme et c’est de moins en moins admis par les spécialistes. Ces petits humains au cerveau minuscule cohabitaient sur leur île avec les populations indigènes d’Homo sapiens, toujours présentes, mais, lui, a disparu, il y a seulement 10-12.000 ans, Dieu sait comment !

Bref, l’histoire de l’homme a été particulièrement riche en événements, bien plus précipitée et riche en coups de théâtre que celle de n’importe quelle espèce animale, et cette liste d’humains (où on n’en attendait qu’un) n’est probablement pas close.

Notre aventure incroyable et accélérée nous a fait conquérir le monde en quelques centaines de milliers d’années. Mais s’agit-il d’une aventure sans lendemain, notre passé étant chargé et notre horizon lourd ? Malgré son orgueil et surtout son énorme cerveau, malgré sa maîtrise du langage parlé et ses inventions sans équivalent dans le règne animal, l’aventurier n’a pas eu beaucoup de capacité de prévoyance et sa vision était celle d’un myope.

Peut-on, sans être désobligeant et renégat envers le Roi de la Création c’est-à-dire nous-même, le qualifier de barbare vivant de razzias et massacrant tout ce qui peut se manger ou le concurrencer ?

En tout cas, c’est tout le contraire d’une gestion durable de l’environnement, comme n’importe quel animal sans grande cervelle la pratique depuis la nuit des temps, ce qui lui permet de vivre le mieux et le plus longtemps possible.

Méritons-nous le nom flatteur que nous nous sommes donnés, Homo sapiens, c’est-à-dire l’homme savant et sage ?

Notes

[1On le suppose à cause de la présence dans son génome du gène PXP2 indispensable au langage verbal, de l’anatomie de son organe phonatoire et de l’organisation de ses aires cérébrales.


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