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le 10 mars 2015

DOSSIER :
Lydia et Claude Bourguignon, agronomes, la vie du sol et l’agriculture (15)

Claude Bourguignon est auteur de la préface du livre "Introduction à la Permaculture".

S’inspirer des modèles vivants

Chaque milieu a ses spécificités, et plutôt que vouloir appliquer aveuglément un modèle universel, il est important de commencer par observer ce qui fonctionne déjà localement.

Alors ça va assez vite quand vous arrêtez de mettre des artificiels, évitons aussi tout ce qui est engrais toxiques, ne mettez pas des engrais qui tuent la vie de votre sol :

  • Jamais de chlorure dans un sol, le chlore est un poison violent : un grain de chlorure de potasse tue une grenouille, vous lui collez un grain de chlorure de potasse sur le dos et elle est morte. Alors je vous dis pas quand vous en mettez sur les vers de terres, vous flinguez tout. Jamais de chlorure, très toxique le chlorure.
  • Jamais de chaux. Jamais de chaux calcique, jamais de chaux magnésienne : poison violent. La chaux est un excellent désinfectant pour les étables : si vous voulez garder les murs d’étables propres, passez-les à la chaux, ne mettez jamais de chaux dans un sol, c’est comme si vous le passez au lance flamme.

Par contre vous pouvez utiliser les engrais qui ne sont pas toxiques : les engrais utilisés par les hommes depuis très longtemps :

  • Nitrate de potasse, nitrate de soude. Le fameux guano du Chili utilisé par les Incas. En plus gros intérêt c’est que quand vous mettez du chlorure vous voyez c’est KCl, le chlore tue, et il ne sert à rien aux plantes, les plantes n’utilisent pas le chlore. Sur 100 kg de chlorure y’a 50 kg de chlore, 50 kg de potasse, donc vous traînez 50 kg de poison avec votre tracteur qui ne servent à rien. L’avantage du KNO 3 (Guano du Chili), c’est que c’est 100 % utilisé : la potasse sera utilisée, le nitrate aussi. Ou le nitrate de sodium, puisque les plantes utilisent le sodium comme la potasse, vous serez utilisés à 100 %.
  • Vous pouvez utiliser les sulfates, pareil, c’est utilisé à 100% : sulfate de potasse, qu’on appelle le patenkali, ou le sulfate de magnésie, qu’on appelle la kiesérite
  • Et puis les carbonates, si vous avez besoin de calcium ou de magnésium : utilisez de la craie, la craie c’est pas toxique, c’est une roche broyée, c’est à pH 8, euh la chaux c’est pH 12 ! ça c’est un poison hein. Dans les épidémies de peste on mettait une couche de cadavre, une couche de chaux etc. jamais ça dans les sols. Ça, la craie, vous pouvez le mettre, c’est une roche naturelle. La dolomie, si vous manquez de magnésie, pareil, c’est une roche, aucun danger, tous les organismes vivants sont habitués au caillou. Le caillou ça fait partie de la vie, et ça leur sert de source de nourriture.

Donc si vous mettez des engrais, surtout ne mettez pas des engrais qui empoisonnent la vie de votre sol. Alors, les résultats vont vite : là c’est la courbe de l’activité biologique du sol avec le premier agriculteur que j’ai réussi à faire passer au semis direct, qui est à Mont Louis, près de Tour. Je l’ai d’abord fait passer au TCS puis après au semis direct, donc il a commencé au TCS en 1992, il est passé au semis direct en 2000, on a gardé une parcelle divisée en 2. Il y a une parcelle qu’il continue de garder en labour, vous voyez l’activité biologique du sol labouré c’est quasi l’électro-encéphalogramme plat, le sol est mort. C’est des rendements à 80 quintaux de blé à l’hectare, là en labour il lui faut 200 unités d’azote pour lui faire ses 80 qx, et en semis direct regardez comment l’activité biologique est en train de monter années après années, il est plus qu’à 110 unités. Et puis j’espère bien l’amener à 90 unités d’ici 5 ans. Petit à petit on avance, mais l’activité repart, c’est extraordinaire, et son sol n’a plus rien à voir. Il faisait du maïs irrigué, il n’irrigue plus. Y’a plus besoin d’irriguer, puisque ses racines plongent, donc il est dans la nappe phréatique, ici la nappe de la Loire, il se rend compte qu’il n’a plus à traîner des tuyaux, pendant que les copains se réveillent la nuit pour aller changer les tuyaux d’irrigation, lui il reste tranquille dans son lit. C’est quand même plus agréable de ne pas avoir à traîner des tuyaux d’irrigation, simplement parce qu’il a un bon enracinement, et que donc ses plantes se passent d’arrosage.

Et les rendements ?

Il a les même que ses voisins. Il est toujours à 80 qx il n’a jamais baissé, lui la seule chose qu’il voit c’est qu’il consomme beaucoup moins d’argent, c’est-à-dire qu’il a un revenu hectare qui est le jour et la nuit. Et ses voisins n’ont pas compris ? Ah, non. C’est ce que je vous ai dit, vous êtes face à un problème sociologique, un problème culturel, vous savez les agriculteurs, y’en a qui commencent à calculer, mais la plupart sont encore dans des réactions passionnelles avec le sol, « un beau labour », ils ont l’impression d’exister en défonçant la terre, « ah que c’est beau cette terre qui se retourne », ça leur fait plaisir, c’est un plaisir culturel, ça n’a rien n’a voir avec de la science, ça n’a rien à voir avec de la production agricole, c’est un plaisir culturel donc là vous heurtez une tradition pluri-millénaire. Donc il faut changer les mentalités.

Pourquoi le semis direct ? Pourquoi y’a 110 millions d’hectares de semis direct dans le nouveau monde et y’en a pas chez nous ? Parce que dans le nouveau monde les gars, les argentins, les Brésiliens, ils sont arrivés avec les techniques d’Europe dans des milieux qui n’ont rien à voir. Vous êtes dans des milieux extrêmement difficiles, pour vous donner une idée, au Brésil, quand vous êtes dans le Mato Grosso, sur le front Amazonien, quand la saison des pluies arrive, premier jour vous prenez 150 mm d’eau, le lendemain 50 mm, le troisième jour 100 mm d’eau, vous avez labouré, je peux vous dire que la terre vous en perdez 3000 tonnes à l’hectare en 3 jours. Et vous ne pouvez pas rentrer dans votre champs puisque ce sont des sols à 90 % d’argile, donc vous attendez, vous vous dites « pourvu qu’il ne repleuve pas », et puis manque de pot il se remet à pleuvoir, et cette année vous ne produisez pas.Tandis qu’en semis direct, quand vous êtes dans 3 m de végétation, c’est bon. Les gars au début ils ont essayé d’utiliser les vieilles techniques, et ça a été le fiasco.

Donc les agronomes on dit : « ce sont des sols incultivables ». Je me souviens quand j’ai commencé à travailler avec la banque mondiale sur le bassin amazonien, je travaillais avec des agronomes américains, ils disaient « ça ce sont des sols de merde y’a rien qui pousse dessus », je lui dis « t’es vraiment con, je vais t’apprendre un mouvement de ton cou qui est de lever la tête : t’as vu les arbres ils font 60 m de haut, comment tu peux m’expliquer ? » « euh, ouais mais ça a rien n’a voir, c’est de la nature sauvage ! », « nan –je lui dis- t’arrêtes ces conneries, ton modèle il est nul, t’as un modèle à chier dans la tête, il faut que tu arrêtes de dire que ce sont des sol nuls, ce sont des sols qui font pousser des plantes magnifiques, donc c’est toi qui est pas bon, arrêtes de d’accuser la forêt Amazonienne »

La forêt Amazonienne a un fonctionnement très astucieux : y’a pas de matière organique dans les sols tropicaux. Et pour cause : si jamais la nature avait laissé la matière organique, on minéralise 60 % de la matière organique de l’année dans les milieux tropicaux, tellement il fait chaud et humide. Donc qu’est-ce qu’elle a fait la nature ? C’est très simple, elle n’a pas fait comme chez nous, chez nous comme il fait froid en hiver, qu’est-ce que fait la nature ? Elle laisse tomber les feuilles (et les radicelles) des arbres. Pourquoi ? Parce que comme il fait froid, la nature arrête de travailler, le sol se met au repos, les microbes ne minéralisent plus, les champignons ne travaillent plus, tout le monde se met au repos. Bah les arbres ils ont rien à manger, donc ils font tomber les feuilles (et les radicelles), ils sont pas fous. Ils vont pas s’amuser à avoir de l’évapotranspiration alors qu’il gèle, et si il fallait qu’ils fassent sortir de l’eau par leurs feuilles, ils exploseraient, ils mourraient, et puis ils ne vont pas s’amuser à nourrir des alors qu’il n’y a plus personne qui bosse en dessous. Donc ils se mettent au repos. En pays tropical c’est pas ça, comme il pleut et qu’il fait chaud toute l’année, toute l’année les arbres ont des feuilles (et leurs radicelles), donc toute l’année, dès qu’une feuille tombe, qu’est-ce qui se passe ? Y’a immédiatement les animaux qui la prennent, qui la mange, les termites, là ce sont les termites qui bossent, et hop ça repart dans l’arbre. Donc quand il pleut, bah il n’y a rien à lessiver.

Quand vous faites une étude sur une forêt équatoriale, 95 % du carbone est dans la forêt, 5 % dans le sol, faites une étude dans une forêt Européenne : la moitié du carbone est dans le sol, la moitié dans la forêt.

Des modèles qui n’ont rien à voir. Les types sont arrivés avec leurs modèles Européens, ils ont voulu plaquer ça, ils ne font que des conneries. Donc les agronomes, jusque dans les années 90, disaient : en pays tropical on ne peut faire que du café, que de la plante pérenne. Café, chocolat... Non ! C’était eux qui ne savaient pas réfléchir.

Le problème de l’homme c’est qu’il arrive dans les milieux, au lieu de les étudier, et puis de faire une vraie approche scientifique ; car c’est quoi la démarche scientifique ?

La démarche scientifique c’est : j’observe, à partir de cette observation - ça c’est la méthode scientifique décrite par Claude Bernard, on ne va pas la réinventer, y’a des gens qui ont déjà très bien réfléchit à ce qu’était la science- j’observe, à partir de cette observation je me dit « tient, ce modèle-là, si c’est ça qui se passe, c’est peut- être ce mécanisme-là », j’émets une hypothèse, et ensuite je rentre au laboratoire et je fais une expérience pour confirmer ou pour infirmer cette hypothèse.

Ce n’est pas du tout ce que font les agronomes, les agronomes ne sont pas des scientifiques, c’est des gens qui arrivent dans un milieu, ils ne l’étudient pas, ils cassent tout, foutent le feu à la forêt, ils mettent tout sous forme minérale. Alors je vous dis pas quand avez minéralisé, ils brûlent en moyenne 200 t de matière organique à l’hectare quand ils foutent le feu à la forêt amazonienne, ils coupent tous les grands arbres et les retirent, ils laissent le feuillage, ils foutent le feu : 200 t de gaz carbonique qui se dégage à l’hectare. C’est-à-dire qu’à l’heure actuelle le brûlis des forêts équatoriales génère autant de gaz carbonique que l’industrie humaine. Juste le feu des forêts équatoriales. Ils mettent tout sous forme minérale, il pleut, tout est lessivé, et il disent : « tu vois y’a rien qui pousse ». Evidemment ! toute la richesse qui était dans la forêt, ils l’ont envoyée dans la rivière... Donc ce sont des gens qui n’ont pas de démarche scientifique.

Moi quand j’arrive dans une région pour aider et pour bosser avec des paysans, je pars dans la forêt pendant plusieurs jours, pour essayer de comprendre comment marche le système local. Ce n’est pas moi qui vais l’inventer, c’est le modèle qui existe depuis des millions d’années, et c’est à partir de ce modèle-là qu’on va développer un modèle qui s’adapte. Si vous arrivez dans la savane, c’est un modèle complètement différent, là il y a beaucoup de matière organique, ce n’est pas la même faune, donc il faut que je développe des itinéraires qui fassent fonctionner les termites. Bon en plus les termites sont très intéressantes puisque ce sont des animaux qui indiquent le fonctionnement du sol rien que par les espèces qu’il y a dedans.

L’homme ne veut plus observer, on a plus que des gars qui sont dans les labos, qui font des modèles sur informatique totalement délirants, type ogm quoi, les mecs ils croient qu’avec les ogm ils vont nourrir l’humanité, mais c’est du n’importe quoi.

On voit vraiment que ce sont des types qui veulent faire du pognon sur le dos des agriculteurs, mais ce ne sont pas des types qui étudient les modèles vivants tels qu’ils existent.

Photo d’entête : Jeff Belmonte CC2.0 By


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Lydia et Claude Bourguignon, agronomes, la vie du sol et l’agriculture
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1 message

  • S’inspirer des modèles vivants

    Le 6 avril 2015, par Michel

    Il y a deux types de relation au monde extérieur : Soit on le distord pour l’adapter à notre tête (scolastique et agronome de votre article), soit on distord notre tête pour l’adapter au monde extérieur (recherche scientifique).

    Et puis il y a peut-être la plupart des gens qui se connaissent pas de relation au monde extérieur et travaille juste à faire de l’argent.

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