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le 26 janvier 2015

DOSSIER :
Lydia et Claude Bourguignon, agronomes, la vie du sol et l’agriculture (9)

Claude Bourguignon est auteur de la préface du livre "Introduction à la Permaculture".

Racines, roche-mère et vers de terre

Cette partie poursuit l’observation du fonctionnement de la forêt de feuillus et ses conséquences positives sur le sol.

Les arbres ont ensuite un deuxième système d’enracinement, qui est un système pivotant qui lui va plonger dans le sol, profondément, jusqu’à la roche-mère. Là il y a deux solutions :

  • La roche-mère est fissurée et la racine va continuer son chemin, et là elle va descendre très profond. Record mesuré dans un pays comme la France : sous chêne 150 m de profondeur, sous merisier 140 m, sous orme 110 m... c’est-à- dire que l’arbre va jusqu’à la nappe, et il est la seule plante au monde capable de prendre l’excédent de la pluie et de l’emmener jusqu’à la nappe phréatique le long de ses racines. Les spéléologues qui nous ramènent ces racines, -parce qu’on ne prend pas une pelleteuse pour creuser sur 150 m !- ce sont eux qui nous rapportent ces racines de grande profondeur, ils nous disent que dans les grottes souterraines ils voient l’eau ruisseler le long des racines.
    L’arbre c’est LE grand gestionnaire de l’eau, parce que d’une part il va développer des champignons qui retiennent l’eau à la surface du sol, c’est pour ça que les sols forestiers sont toujours frais et ne sont jamais sec, et d’autre part il gère, il remplit, il stocke l’excédent d’eau de pluie dans la nappe. L’arbre est une plante absolument unique de par son fonctionnement, ce sont vraiment eux qui gèrent l’eau.
  • Là où ce n’est pas fissuré, la racine va ramper sur le caillou et va l’attaquer, avec des acides, elle va sécréter des acides organiques et elle va le dissoudre. Elle va être pour ça aidée par des bactéries, c’est-à-dire que l’arbre va envoyer du sucre dans ses racines (toutes les plantes font ainsi), sucre qui vient de la photosynthèse, qui nourrit des microbes qui vont attaquer le caillou et fabriquer du nitrate, du phosphate, de la potasse, du souffre etc. et vont le donner à l’arbre. Donc il y a un échange.

L’arbre va remonter les éléments de la roche-mère jusque dans son feuillage. A cette profondeur, il y a des racines qui meurent, et ces racines mortes seront à nouveau nettoyée par une faune spécialisée, qu’on appelle la faune endogée, des collemboles, des acariens mais de grande profondeur), qui vont nettoyer tout ça pour permettre aux jeunes racines de revenir.

Cette attaque de la roche-mère par les racines va transformer la roche en une fraction minérale très complexe – Là encore on retrouve toujours le système biologique qui passe d’un système simple à un autre plus complexe – ces cristaux sont les plus complexes que nous connaissons sur terre, ils s’appellent les argiles. Les argiles sont des silicates de fer et d’alumine : Comment sont-ils formés par les racines ?

Quand j’ai fait l’agro, personne ne savait comment elle se formait, donc on sortait des théories totalement délirantes et incompréhensibles, et puis à la fin des années 80 une équipe Canadienne et Australienne a montré comment ça se faisait, il ne fallait pas aller chercher des théories très compliquées, c’est tout simple :La plante, lorsqu’elle attaque une roche, qu’est-ce qu’elle va pomper ?

Elle va pomper tout ce dont elle a besoin -soufre, calcium, magnésium, potasse, phosphore, ... tout ce qui la nourrit.

Or les roche de quoi sont-elles formées ? Elles sont formées essentiellement de silice, de fer et d’aluminium, qui sont les atomes majoritaires dans la roche (croûte terrestre : Silicium 26%, Aluminium 7%, Fer 4%), donc lorsqu’une plante va pomper tout ce dont elle a besoin, elle va laisser dans la périphérie racinaire beaucoup de silice, de fer et d’aluminium, car elles en utilise très peu, ce sont des oligo-éléments pour elle.

Or vous avez une loi en chimie qui dit que quand une substance en solution dans l’eau devient trop concentrée, elle cristallise. C’est comme ça qu’on récolte le sel marin, on fait évaporer de l’eau de mer, et puis à un moment le sel cristallise tout seul car il est arrivé à un certain niveau de concentration dans l’eau de mer.

Il va se passer la même chose autour de racines des plantes, tous ces éléments de silice, de fer et d’aluminium qui se concentrent de plus en plus, à un moment vont cristalliser en silicate de fer et d’alumine, c’est-à-dire les argiles, qui sont des cristaux extrêmement grand, de grand feuillets, et ces feuillets ont une capacité d’échange en cation. C’est-à-dire que ces minéraux ont la propriété remarquable de retenir la potasse, la magnésie, le calcium (tous les cations)... c’est-à-dire que la vie fabrique un système qui va lui permettre de se nourrir.

C’est quand même assez extraordinaire de voir à quoi l’évolution a abouti, en attaquant un matériel minéral, la roche, pour la transformer en les cristaux les plus complexes que nous connaissons sur Terre, l’argile ; elle attaque des rameaux et des feuilles pour en faire la molécule biologique la plus complexe du monde, l’humus.

Et il se trouve que dans le sol, humus et argile vont s’attacher grâce à une troisième faune, que vous connaissez tous, qui s’appelle les vers de terre, ceux-là vous les connaissez bien, ce sont les grands vers de terre qu’on voit sortir la nuit pendant leur période de reproduction au printemps, qui s’appelle donc la faune anécique. Ces grands vers qui circulent verticalement dans leurs galeries, et qui vont remonter constamment de la terre, toutes les nuits ils remontent dans leurs galeries, ilsviennent chercher de la matière organique, ils vident leur intestin pour former ce qu’on appelle un turricule, ils redescendent dans leurs galeries, ils revident un turricule etc.

On a montré que c’est en fait dans l’intestin de ces vers de terre que l’humus et l’argile se mettaient ensemble pour former le complexe argilo-humique. Les deux éléments de ce complexe sont attachés par des ions qui ont deux charges positives, le calcium, l’argile et l’humus étant négatifs, or les vers de terre ont une glande appelée la glande de Morren, qui sécrète énormément de calcium. Dans l’intestin du vers de terre, argile et humus vont s’attacher ensemble. C’est pour ça que lorsqu’on prend une crotte de vers de terre et qu’on la met dans un bocal d’eau, vous verrez que la crotte ne s’effondre pas – si vous prenez de la terre ça fait de la boue au fond du bocal – tandis que le turricule ne bouge pas car c’est un complexe argilo- humique parfaitement stable.

Donc on voit que le sol est un modèle tout à fait remarquable, c’est le milieu le plus riche du monde, c’est le seul milieu qui est formé d’une matière organique et d’une matière minérale. L’atmosphère et l’eau sont des milieux purement minéraux, ce sont des milieux qu’on ne se prive pas de polluer, mais ce ne sont pas des milieux que nous pouvons détruire. Quand un milieu est minéral, les attaches sont atomiques, c’est indestructible. Tout qu’on pourrait faire si on voulait faire disparaître l’eau de la surface du sol, c’est chauffer le tout jusqu’à évaporation, mais ce serait toujours de l’eau. L’atmosphère, pour casser des molécules d’azote, qui font 70% de l’atmosphère, avec une triple liaison, on sait le faire maintenant pour fabriquer les engrais chimiques, il faut en gros une tonne de pétrole pour faire une tonne d’engrais. Ce sont des énergies énormes.

Par contre détruire un sol c’est excessivement simple : il suffit tout simplement que vous arrêtiez d’apporter de la matière organique à votre sol, il suffit qu’au lieu de laisser la matière organique au-dessus vous l’enfouissiez avec un labour, et vous allez faire disparaître la matière organique, faire disparaître les humus. A ce moment-là les argiles ne sont plus attachées, et c’est l’érosion, vous avez de la boue plein les rivières.

Le sol a la propriété d’être le milieu le plus riche du monde, puisqu’il a une capacité d’échange en cation, il retient les éléments nutritifs, mais il est le plus fragile, le plus sensible à l’action humaine. C’est donc quand on connaît le fonctionnement du sol qu’on peut éviter de le détruire.Je vais vous montrer une photo, ça devient difficile de trouver des sols cultivés ou il y a pas mal de vers de terre, mais des personnes qui travaillent encore correctement on en trouve.

Voilà le travail des vers de terre sur un limon, vous voyez comment ils rayent, tous ces traits verticaux sont des galeries de vers de terre qui y circulent constamment du haut jusqu’en bas.

Ils mangent leur poids de terre tous les jours, un bon sol forestier c’est entre 2 t et 4 t de vers de terre / ha, donc tous les jours ils remontent leur poids de terre, vous voyez le brassage que ça fait ! C’est-à-dire que les vers de terre brassent entre 100 t et plus de 1000 t de terre par hectare et par an. Ce sont plusieurs centimètres de terre chaque année.

Ce sont eux qui sont responsables de l’enfouissement des restes humains, vous savez que lorsque les archéologues font des fouilles, ils trouvent tout en bas la pierre taillée, ensuite les mosaïques romaines, ensuite les restes du Moyen-Age, ce n’est pas parce que les gens de la pierre taillée vivaient sous terre, ils vivaient comme nous à la surface de la terre, mais les vers de terre ont recouvert constamment ces restes.

Darwin a été le premier à donner une datation des restes humains en mesurant l’épaisseur de terre déposée par ces vers, connaissant le poids de terre transporté tous les jours par les vers de terre, il a été le premier à donner des datations par ex. ceci a 10 000 ans vu l’épaisseur de terre etc.

Si vous avez mis des pas japonais dans votre jardin, vous avez remarqué que les pierres disparaissent lentement... ce sont les vers de terre qui déposent de la terre constamment par-dessus. C’est pour ça que souvent j’entends les agriculteurs qui me disent « Roh là là ! J’ai les pierres qui remontent ! », Non ce ne sont JAMAIS les pierres qui remontent, ça n’existe pas, c’est la terre qui s’en va...

Donc quand vous voyez les pierres apparaître, c’est que vous êtes en train de perdre votre sol. Les pierres ne font que s’enfoncer sous le travail de la faune. Si vous allez dans les forêts, autrefois toutes les forêts étaient cultivées, faites un trou dans la forêt, vous retrouverez l’ancien horizon cultivé par un petit lit de pierre, caractéristique, qui était l’ancienne surface agricole, et les vers de terre ont remis de la terre par-dessus, ils ont fait doucement disparaître ces couches de terre. On les étudie, c’est ainsi qu’on sait que les gaulois labouraient dans les deux sens, car on voit ces petites couches qui sont intactes depuis longtemps, et on se rend compte, par les orientations des feuillets d’argile, orientés perpendiculairement, qu’on travaillait une fois dans un sens, et une fois dans l’autre.

Donc vous voyez, le sol ce n’est pas du tout un milieu inerte, mort, c’est un milieu extraordinairement vivant, très complexe, et que si on veut faire une agriculture « durable », il faut cesser de violer les lois du sol, cesser de raconter que c’est un milieu mort, inerte, et qui a juste besoin d’engrais chimiques, mais il faut essayer de le comprendre, donc d’étudier son système biologique.

Crédit photo d’entête : Rob Hille CC2.0 By-SA


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Lydia et Claude Bourguignon, agronomes, la vie du sol et l’agriculture
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Claude Bourguignon est également auteur de la préface du livre "Introduction à la Permaculture"...

2 messages

  • Racines, roche-mère et vers de terre

    Le 7 février 2015, par Michel

    Merci pour ce super petit texte, clair et direct. C’est dur de faire de la science, mais en plus de cela l’expliquer et l’appliquer, vous touchez au grand art ! Bravo !

    Je me permets d’apporter deux remarques, non pas pour vous ennuyez, mais juste pour réfléchir.

    La première s’applique au terme roche-mère. Je trouve qu’il rend les choses confuses et enferme la pensée dans la scolastique. Un peu comme le labour de la bible. Ce terme nous fait rentrer dans une pensée en chaine de production voire celle de la création (d’abord la roche, elle est mère du sol, puis des plantes, puis des animaux, puis de l’homme). Je suis plus pour une pensée de la disruption ("biodiversité contre environnement") qu’une pensée en chaine de production. D’ailleurs, vous dites plus loin que "les arbres attaquent la roche". C’est donc que la roche n’est pas leur "mère" (on attaque pas sa mère). Dans votre texte, ce n’est pas la roche qui est mère du sol mais bien l’arbre. L’arbre-mère est plus proche de la réalité, je pense. Et je pense que votre logique se rapproche plus d’une vie coalisée dans son développement et cela au dépend de la roche (et pour ma part de l’environnement auquel je pense que la biodiversité n’appartient pas).

    Le deuxième point est sur les pierres qui ne remontent jamais du sol. J’ai cru comprendre un temps que, pendant l’hiver, les pierres du sol prises par le front de gel remontent grâce à ce gel. L’explication est la suivante : Le front de gel descend plus vite à travers la pierre qu’à travers le sol. Une fois sous la pierre, il transforme l’eau liquide en glace. Cette glace prend plus de place et gonfle son contexte et donc aurait tendance à pousser la pierre au dessus. Ce même phénomène est invoqué pour expliquer les piquets qui vacillent à chaque rude hiver et que l’on doit replanter au printemps.

  • Racines, roche-mère et vers de terre

    Le 1er février 2015, par CSiguie

    Merci pour cet article si riche et si authentique. Tombé dessus au hasard d’une recherche de toute autre nature, je n’avais pas remarqué sa signature lorsque je me suis littéralement passionné pour son contenu. En rose sur rose le nom de l’auteur n’apparaissait que très discrètement dans l’entête. Humilité oblige (de par la racine étymologique d’"humus", la terre, sans doute). C’est bien de la même veine que ses autres ouvrages et témoignages dont on se délecte. Longue vie, durable aussi. Respectueusement et très cordialement du sud de Nantes.

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