Le Village : le témoignage de Claudine, résidente Edité par l'Asso Voisins & Citoyens en Méditerranée en mars 2000 Publié par Passerelle Eco sur le site www.passerelleco.info LE VILLAGE, a été fondé en 1993 pour répondre autrement, de façon volontaire, engagée et universelle, à des situations d'exclusion engendrées par une société qui s'enrichi au détriment de certains de ses membres. Nous vous en avons proposé une présentation dans le n°5 de Passerelle Eco. Ce témoignage qui complète l'article a été recueilli par l'association "Voisins et Citoyens en méditerranée". Claudine raconte : Nous sommes Daniel et Claudine MORALES, nous avons 55 et 50 ans. Que faisons-nous dans un centre d'hébergement ? Cela fait 30 ans que nous voulions quitter la France pour le Canada, finalement il nous a fallu tout ce temps pour seulement -changer de région, quitter Midi-Pyrénées Albi dans le Tarn, pour la Provence d'abord les Bouches du Rhône, puis le Vaucluse. La raison est que depuis un an nous n'arrivions plus à accepter de vivre à Albi, sentions que nous allions partir et avions décidé de quitter cette ville, mais quand et comment? La chance si l'on veut s'est présentée avec l'accident de mon mari et son handicap, notre expulsion prochaine de notre appartement pour cause de non-paiement important de loyer (accidents, chômage), avec impossibilité de reprendre ses anciens métiers, et un CDI dans les Bouches du Rhône que l'on savait véreux d'avance. Un mois après, en juin 98, nous quittions enfin Albi en y laissant (abandonnant par le cœur) nos enfants et en partant à l'aventure en sachant qu'un avenir meilleur nous attendait ailleurs. Sous toile de tente, chassés 2 mois après des terres de l'employeur, et à Noël du camping, ensuite une semaine chez notre fils aîné, 15 jours chez mes parents, puis retour dans les Bouches du Rhône (mon mari est resté 6 mois en arrêt de travail en attendant le licenciement avec accord de la MSA) pour passer janvier et février 99, la nuit dans notre voiture sur la place Clos à Cavaillon et le jour au bord de la Durance, puis 15 jours : repas pris au Relais à Cavaillon et notre arrivée début mars au VILLAGE. Il était temps car nous n'avions aucun contact et allions sombrer moralement et pécuniairement. La chose dont nous avons le plus souffert est de ne pas voir nos enfants pendant 8 mois, eux autant que nous, l'aîné sans emploi, sans ASSEDIC ni RMI et avec 1 enfant, le second seul à Toulouse (Haute Garonne) au lycée, cela a été très dur pour eux de nous savoir dans cette situation, ainsi que pour mes parents (mon père a fait une tentative de suicide quand nous étions chez eux) qui nous ont aidé moralement et financièrement, ainsi que nos enfants bien qu'ils soient de petits ouvriers. Ce qui nous a sauvé aussi c'est le courrier et le téléphone portable. Nos enfants représentent beaucoup pour nous, nous sommes très liés avec eux, d'ailleurs nous allons les voir environ tous les mois actuellement, l'aîné toujours dans le Tarn avec un 2ème enfant et un CDI, le second dans la Haute Savoie pour continuer ses études. Nous avons été très bien reçus au VILLAGE par Daniel NEY le Directeur et ses employés, cela fait maintenant un an bientôt; d'SDF, nous avons eu une chambre rien que pour nous deux à la ferme où notre fils nous a rejoint en juillet et août et avons commencé à construire notre maison un mois après dans ce futur Village qu'il faudrait faire vivre comme tout vrai village, je me demande encore si je rêve. Nous nous sommes très vite adaptés à la vie du VILLAGE, nous aimons participer, s'investir et prendre des responsabilités et l'ambiance nous plaît. Le VILLAGE vit en autosuffisance avec champs de blé, maraîchage bio avec les chevaux (sans pesticide), poulailler et pigeonnier, atelier menuiserie et briqueterie. Les briques de construction pour les maisons sont faites avec la terre crue du VILLAGE. La Provence est belle et le soleil est présent la plupart du temps avec un très beau ciel bleu. Surendettés au maximum, mais autonomes, tous nos biens sont en garde-meubles depuis bientôt 2 ans, après un CES en maraîchage, j'entame dans quelques jours un CEC pour gardiennage du VILLAGE et accueil d'urgence des SDF, incroyable mais vrai, je savais bien que l'on avait besoin de nous ailleurs, celui-ci aboutira ensuite à un CDI après 25 ans de mère au foyer ? ! et ensuite un CDI aussi pour mon mari après longue maladie et chômage, que demander de plus. La Provence est pour nous un pays d'adoption et de liberté. On ne regrette rien, se serait à refaire, on recommencerait la même chose. Nous n'avons jamais autant voyagé que depuis que nous avons quitté Albi, on dit que les voyages forment la jeunesse, tant mieux pour nous, bientôt Port Camargue où se trouve le bateau du VILLAGE pour aller à Haïti, puis Nice, l'année prochaine on espère Strasbourg promis depuis 32 ans, pourquoi pas la Guinée l'année prochaine par l'intermédiaire du VILLAGE, et peut-être ailleurs aussi ? En novembre 99, un week-end à Aix en Provence avec le VILLAGE et VCM, contact très intéressant, nous en espérons d'autre (débat sur le RME). Quel parcours, quelle galère ? ! Cela en valait la peine. Que notre vie au VILLAGE dure aussi longtemps que la vie le voudra et que nous continuons à y voir nos enfants et petits enfants, nous ne demandons rien de plus. Nous avançons lentement, mais sûrement. Notre désir est de finir nos jours en Provence. Combien de personnes sont dans notre situation ? Merci au VILLAGE, à mes parents et à nos enfants. Edité par l'Asso Voisins & Citoyens en Méditerranée en mars 2000 Publié par Passerelle Eco sur le site www.passerelleco.info