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le 17 juillet 2011

Les Blogs

Blés, sécheresses et sociétés

En Mésopotamie (berceau de la culture céréalière) les communautés paysannes attendaient l’arrivée des pluies pour récolter les grains, remplir les greniers et fabriquer des galettes. C’est ainsi qu’on se nourrissait ! Les Phéniciens agissaient de même... Les Gallo-Romains respectaient également ces cycles annuels afin de procéder aux semailles et aux moissons. Dans l’Ancien Régime on priait activement les divinités locales pour qu’elles accordent de l’eau au bon moment ; et Marcel Pagnol raconte comment, en Provence, on partait en procession vers les sources de manière à implorer la clémence des éléments ! Aujourd’hui les fermiers du Middle West et ceux du Bassin Parisien calculent encore leurs revenus à partir de la courbe des indices de pluviométrie !

Le phénomène évoqué est donc clair : depuis la période néolithique (temps des premières expériences agraires) les populations concernées ont connu une étroite dépendance aux masses d’air. Des arrosages, réguliers ou irréguliers, découlaient la sécurité alimentaire, le paiement des dîmes, les réserves pour l’hiver, la survie au quotidien (pain et farine). Aucun autre système de remplacement, ou de substitution, n’est venu relayer (pour l’instant !) cette vieille habitude qu’est l’irrigation naturelle. Elle seule permet de dégager un bien alimentaire précieux en combinant l’usage de l’eau, des graines, de la terre et du travail.

A partir de 5OOmm d’eau par an on peut espérer effectivement couper des épis conséquents... car le blé ne s’irrigue pas de façon artificielle ! Ce serait techniquement possible... mais économiquement absurde. Malgré nos spectaculaires percées technologiques (sophistiquées, ingénieuses) on reste –dans ce domaine d’activité- encore à la merci des cumulus pour remplir les silos, les entrepôts, les camions ou les supermarchés des grandes villes.

Relation-dépendance au milieu

Ainsi l’homme du XXIe siècle regarde encore vers l’horizon, la tramontane ou le vent d’autan , vers l’ouest ou vers le sud , pour savoir si les récoltes pourront aller à leur terme, si les ventes se feront et si la famille disposera de revenus honorables ! Cela fait donc des milliers d’années (des centaines de générations successives) que se joue cette étrange relation-dépendance au milieu. Toute notre civilisation culturelle, économique, religieuse, esthétique, philosophique , est fortement imprégnée par l’impact d’un geste fondamental, simple et prophétique : celui du semeur, celui du moissonneur. Notre pensée, nos espérances, nos mythes, nos références historiques courantes, sont imbibés du rythme des semailles, des labours ancestraux, des cadences exigées par les récoltes afin de produire le précieux épi d’or. Est-il possible d’occulter semblable patrimoine, essentiel pour notre identité de groupe ?

Malheureusement cette « imagerie » est déjà une vieille lune ! C’est un tableau archéologique enfoui dans les émotions d’autrefois. Le XX et le XXIe siècle viennent de balayer ces poussiéreuses chimères ! Avec les machines, avec les ordinateurs, avec les tracteurs, les calculatrices, les traitements répétitifs, bref avec tout le bagage de la modernité rurale, la symbiose étroite qu’on évoquait à l’instant fait figure de pièce de musée ! Nous sommes, grâce à nos performances matérielles, bien au-dessus des dépressions venues de la mer ! Nous serions plus habiles que les vents qui se chargent d’humidité en passant sur l’Atlantique ou sur la Méditerranée...

Les péripéties du ciel ? C’est presque de la superstition, de la magie, voire de la sorcellerie ! On possède toute l’instrumentation robotique pour se libérer de ces aliénations ! Il suffit de cliquer sur un clavier pour faire plier la nature à nos quatre volontés ! Quelle humiliation de s’en remettre à Zeus, Gaïa ou Déméter ! Evitons de trop ironiser... Disons simplement qu’à force de triompher des phénomènes naturels... les phénomènes naturels paraissent archaïques, rétrogrades, presque inutiles ! On aurait tendance à croire qu’ils n’assurent plus rien de la vie... alors qu’ils assurent encore la totalité de nos approvisionnements ! Les illusions –et les erreurs d’appréciation-, sont, dans ce secteur économique, d’une cruauté caricaturale. La sécheresse –soudain- restitue quelques vérités élémentaires !

Les épisodes d’aridité au fil du temps

Que les sols se fendillent, se bétonnent à outrance, qu’ils se durcissent dangereusement, s’avèrent rebelles ou colériques... et le cyber-homme du XXIe siècle est pris de convulsions mentales ! Il ne comprend plus, s’indigne d’une telle injustice, crie à la trahison, sombre dans l’effroi ou le catastrophisme. C’est la consternation. C’est le point de départ de notre interrogation : sommes-nous prêts à faire front à un ralentissement chronique des pluies ? Sommes-nous armés pour nous battre efficacement contre cette calamité ? Pouvons-nous résister sans succomber ? Afin de mieux saisir la continuité de cette argumentation il est utile de comparer les réflexes collectifs des sociétés traditionnelles... et ceux de nos Cités suréquipées en programmateurs compliqués. Du contraste peut jaillir le sens de l’évolution ! Car les systèmes ruraux de jadis étaient aussi frappés de terribles séquences saisonnières durant lesquelles la « panne » d’eau tenait une place prépondérante. Que se passait-il ? Les récits (surtout les plus célèbres, cf. la Bible) évoquent ces épisodes d’aridité avec beaucoup de justesse dans la dramatisation. Où se situent les différences entre les deux modèles ?

C’est la capacité de « reprise » -de redémarrage des cultures- qui fonde l’opposition. C’est dans le redécollage des plantations qu’on voit bien surgir le niveau des divergences d’une époque à une autre. Comment ? Jusqu’à la seconde Révolution Industrielle, et l’apparition des engins lourds (tracteurs) les techniques de travail du sol ne martyrisent nullement la terre. Précisons tout de suite : il s’agit, à cette date, d’un grattage superficiel de l’humus exécuté avec des outils modestes (araire, charrue monosoc). Les capacités de retournement des sillons sont très peu prononcées (chevaux, boeufs, mulets). On ne peut « creuser » les rangées de sorte que la partie utile (3O cm) reste intacte, ne se mélange pas aux couches de profondeur tandis que le tassement effectué par les animaux est insignifiant. Bilan de cette manière de travailler : malgré les canicules éventuelles le potentiel microbien était préservé ; dès que les premières pluies se présentaient la tonicité de la structure pédologique permettait un bonne tenue des plantes, une croissance satisfaisante. Un « accident » climatique, cyclique, s’effaçait sans trop de douleur pour la stabilité des populations et le niveau des productions.

Un sol coupé de la vie

Quelle est la situation actuelle ? La puissance des machines employées est énorme. Les charrues monosoc sont toutes transformées en charrues polysocs. Les forces de retournement des couches sont impressionnantes ; on descend en profondeur, on atteint la roche-mère et en quelques passages on mélange les parties noires (humifères) aux parties claires (proches du minéral) lesquelles ont la fertilité de la brique. Par ailleurs les roues à crampons appuient de façon effrayante sur la surface et « cuirassent » la sous-couche. C’est l’asphyxie systématique des structures superficielles : on « tue » sans réfléchir son outil de travail. Micro-flore et micro-faune sont anéanties ; les vers disparaissent du milieu, l’appauvrissement est généralisé, les grillons et les insectes ont fui la zone. Un sol travaillé de cette façon est littéralement coupé de la vie.

Le pire arrive... après la séquence sèche ! La remise en état de ces couches compactées représente un travail considérable. L’idée est de creuser cette masse d’éléments agglomérés dans l’épaisseur : le cycle infernal s’installe. Les rendements s’orientent vers la chute (d’où des fertilisations chimiques destinées à compenser les pertes) ; les coûts augmentent en proportion et les résultats d’exploitation s s’avèrent décevants. La gestion de tels ensembles est problématique.

L’opinion publique, et les professionnels de la filière, évoquent rarement ce type de raisonnement. Cela n’intéresse, (hélas !) personne ! Quels sont les échos qu’on veut entendre ? La nature du prix à payer ! Qui financera les déficits ? Jusqu’à quelle hauteur ? Y aura-t-il un impôt sécheresse ?

Le processus climatique se convertit, au fil du temps et de la sévérité de l’agression, en querelle politique, parlementaire. Le combat porte sur les subventions attribuées, sur l’intervention de Bruxelles, sur les aides indispensables à mobiliser afin d’éviter la débâcle des exploitations. Si on considère uniquement ce volume des réflexes collectifs il n’est pas vain de penser qu’on s’oriente tout droit dans un mur d’incompréhensions mutuelles. Que le réchauffement se confirme et des milliers d’hectares, affaiblis par des chocs de plus en plus « durs » ne pourront plus relever le défi des enjeux nationaux ou internationaux.

Admettons que depuis 1976 des mesures positives, techniques, ont été prises de manière à corriger le « syndrome tropical ». Lacs collinaires, réserves localisées, mini-barrages, irrigations économes, variétés de plantes à tiges courtes etc. Ces adaptations sont justifiées et intéressantes. Autant de pistes susceptibles d’atténuer la rigueur des prochaines secousses. C’est bien... mais c’est loin du compte ! Il convient d’aborder le centre du propos, le sujet qui fâche, celui des méthodes de travail. Question irritante au possible qui suppose tellement de métamorphoses dans les habitudes d’agir et de réfléchir ! Le droit à la parole, sur cet aspect brûlant des choses, requiert une appartenance à la corporation... Toute critique venant d’un satellite étranger à la planète rurale est plutôt vécue comme une polémique incendiaire ! Mais le débat démocratique passe aussi par ces froissements de circonstance.

Monoculture concentrationnaire

Tant que le système de production agricole reposera sur la recherche acharnée de rendements intensifs avec une monoculture concentrationnaire on se dirigera fatalement vers une trajectoire d’auto-destruction. Ce modèle fonctionne depuis plus d’un demi siècle ; il est à bout de souffle, mis en pièces par des tranches de chaleur temporaires qui l’étouffent. Il réclame un excès d’énergie fossile, un excès de fertilisants , de très gros engins, d’énormes quantités d’eau et il aboutit à diminuer le potentiel de croissance en réduisant de façon dramatique la puissance microbienne indispensable aux échanges avec le milieu extérieur. Plus de 1O% des sols subissent une régression [1] de fertilisation et un blocage. Ce chiffre n’est qu’un début d’évolution... il met en péril le statut monétaire des unités céréalières et la stabilité des familles qui vivent de cette profession.

C’est tout ce schéma de production qu’il serait utile de réformer ! Petite proposition... envergure gigantesque de la réalisation ! Cela suppose une injection phénoménale de modestie, d’écoute, d’organisation, de réflexion –et d’attention aux autres-, dans une structure sociale pas tellement disposée à rassembler ce genre de qualités humaines ! Sur le papier le programme est concevable ; sur le terrain de la sociologie, de la politique, de l’anthropologie, les choses se compliquent ou se présentent à l’envers. On devine le nombre de réticences, de colères, de frustrations, d’oppositions farouches que ce changement de réflexes suggère. Implicitement cela murmure aux oreilles des membres de la corporation qu’on vient de faire un demi siècle d’erreurs ou de bavures lamentables : qui peut admettre de gaieté de coeur pareille mésaventure sur un point majeur de son existence ?

Un renversement intelligent des archaïsmes

Que pourrait signifier concrètement cette mutation de taille ? Elle indique essentiellement une cassure dans la relation à la biosphère. Pendant longtemps, trop longtemps, l’idée dominante dans l’agriculture consistait à nourrir la plante (directement) en utilisant au besoin des « sauces » ou des granulés palliant aux déficits bio-organiques du sol. Un renversement intelligent de cet archaïsme repose sur la revalorisation de l’humus dans toutes ses composantes. Il faut , à tout prix, protéger cet outil de travail exceptionnel capable d’assurer une richesse en continu des paysages, des hommes, des économies d’accompagnement. Un humus tonique, important, épais, transmet à la plante une vaste gamme de vertus ; la plante consolidée, puissante, transmettra ensuite aux acteurs de l’agriculture –aux hommes-, sa qualité, son intégrité. C’est ainsi que le système rural aura des chances sérieuses de se prolonger en restituant à tous les partenaires ce degré de confiance nécessaire au développement, à la sauvegarde du futur.

Une mobilisation complète des volontés, des décideurs, des responsables, s’avère bien nécessaire dans le contexte actuel. C’est notre dernière carte à jouer si on souhaite maintenir le potentiel vital des sols, tellement dégradés, tellement exténués sur de larges surfaces. Le challenge est relevable. Dès maintenant. Allons-nous le saisir ?

Bernard Vaudour-Faguet

Notes

[1Claude Bourguignon « Le sol, la terre et les champs » 1989 Manufacture Sang de la Terre


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